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  • Le secret du peuple juif

    • Le 17/08/2016

       *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

    Le secret du peuple juif

     

    Parmi tous les mythes inventés par la propagande antisémite, il en est un qui est très largement répandu et qui est souvent repris par nos coreligionnaires : c’est la croyance que les juifs seraient intellectuellement plus brillants que les autres nations, élément jamais démontré scientifiquement.

    Notre paracha touche à ce point : à l’occasion du rappel de l’interdiction forte de laisser demeurer sur notre terre toute trace d’idolâtrie, la Thora nous indique pourquoi elle est particulièrement stricte sur ce point avec le peuple juif : « Ce n’est pas parce que vous étiez plus nombreux que tous les peuples, que l’Éternel s’est attaché à vous et vous a choisis; car vous êtes le plus petit de tous les peuples »  (Deut. VII, 7). D’entrée, le Netsiv précise qu’il est impossible de parler d’une supériorité numérique : il est évident que le peuple juif a toujours eu une population faible, et de toute façon, sauf pour des enfants qui comptent leurs billes dans la cour d’école, le nombre ne compte pas. Mais selon son commentaire, la Thora nous met en garde : ne vous imaginez pas bénéficier d’une supériorité qualitative, ne croyez pas que votre nation possède plus de savants, ou des gens plus intelligents.

    Bien au contraire, vous possédez une faiblesse spirituelle « génétique ». Ce verset s’éclaire grâce à la phrase du Talmud Beitsa 25b : la Thora a été donnée à Israël car c’est un peuple « ‘az » : courageux, mais aussi intrépide, turbulent, à la limite de l’impertinence.

    En effet, on constate que toutes les autres sociétés, orientales et même occidentales, manifestent un certain conservatisme. Par nature les nouvelles générations acceptent ce que leur transmettent leurs parents et leurs maîtres. Il a fallu près de deux siècles pour que l’esprit des Lumières fasse disparaître le fait religieux de la sphère publique en France à grands coups d’anticléricalisme acharné, et encore plusieurs années pour que le changement de mentalité touche les couches profondes de la société. Des décennies de révolution communiste n’ont pas éteint les traditions spirituelles en Russie ou en Chine.

    A l’opposé, chez nous, les choses bougent très vite. Héritiers d’un esprit de controverse talmudique, nous remettons tout en question, n’admettons aucun tabou et aucun acquis. Pour s’en convaincre, il suffit de constater les vagues successives d’éloignement et de rapprochement du message de la Thora que notre peuple a vu se succéder d’une génération à l’autre. Si les parents s’étaient éloignés de la pratique religieuse pour diverses raisons (Shoah, émigration vers des pays dits plus modernes), les enfants ont connu un mouvement de téchouva exceptionnel, et on commence à voir certains petits-enfants qui se sentent mal à l’aise dans la néo-orthodoxie de leurs parents, et qui cherchent à définir une nouvelle voie.

    Connaissant cette faiblesse naturelle, ce désir de trouver d’autres pistes, et le risque d’idolâtrie qui l’accompagne, Hachem nous a choisis, afin que la Thora nous tienne particulièrement éloignés de toute déviance.

    Mais on pourrait se dire qu’à notre époque, la avoda zara est loin de nous, et ne nous concerne pas. A cela aussi le Netsiv répond : comme il l’expliquera plus loin (Deut.XXIX, 17), l’idolâtrie et l’apikorsout procèdent du même ressort : celui de se rebeller et de rechercher des moyens étrangers au service divin. Et cela nous interpelle dans notre génération : tout le monde connaît ce désir de trouver « autre chose », quitte à flirter avec les limites du Judaïsme.

    Puisque c’est notre nature « d’aller voir ailleurs », de ne pas se contenter de notre héritage spirituel, que pouvons-nous faire ?

    La réponse nous est apportée par le dernier verset de notre paracha : « Et tu garderas les commandements, et les statuts et les ordonnances que je te commande aujourd’hui, pour les pratiquer. » Il est indispensable de mettre en place une garde, qui ne soit pas simplement passive, mais qui agisse pour permettre la protection. De la même façon que pour être chomer chabbat il ne suffit pas de rester assis sans rien faire, il faut prendre des mesures et s’organiser dès le début de la semaine pour ne pas avoir à transgresser le chabbat, pour se protéger de cette tendance à rechercher ailleurs ce qui est nécessaire à notre épanouissement spirituel, il faut agir. Le Netsiv nous invite à nous renforcer dans l’étude de la Thora, dans la pratique des mitsvot, à choisir une mitsva qu’on va chercher à accomplir à la perfection, car ce sont les meilleures garanties que nous resterons sur le droit chemin, et que nous accomplirons notre destin de "peuple élu".

    Franck DELACHE

     

     

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

    * Texte :

    העמק דבר דברים פרק ז פסוק ז
    (ז) לא מרבכם מכל העמים וגו'. הוסיף לבאר טעם השני שלא לחשוב מדוע בחר בישראל משום שהם מרובים, ואין הכונה רבוי בכמות, דמהיכי תיתי נחשוב דבר שכל עין רואה הפכו, וגם מה זה מעלה רבוי עם המוני, אלא משמעות רבוי כ"פ באיכות, שבאומה זו מצוי גדולי הדעת הרבה יותר מבאוה"ע לפי ערך ההמון, וא"כ היתה הדעת נותנת שאין לחוש כל כך על ישראל שיטעו אחר ע"ז, ועל מה זה הרחיקה התורה אותנו ממנה כל כך: 
    (...)
    כי אתם המעט מכל העמים. נהפוך הוא מה שעם ישראל בעלי דעת יתירה המה מעטים המוכשרים לעבוד את ה' בתמימות יותר משאלו נבחרה אומה אחרת להקב"ה, וכדאי' בביצה דף כ"ה ב' תנא משמיה דר' מאיר מפני מה ניתנה תורה לישראל מפני שהן עזין, ואלולא מאור של תורה ועמלה היה הדבר קשה עליהם ביותר להלוך בתום אחר ה', משום שהמה בטבעם נמשכים אחר אמצעים הנראים לעינים, וזה היה עיקר ע"ז אז כמש"כ בפ' שופטים י"ח ט' ובכ"מ, ובביאורי על שה"ש הראינו לדעת כ"ז בפסוק [א' ה'] שחורה אני ונאוה: 
    העמק דבר דברים פרק כט פסוק יז
    פן יש בכם שרש וגו'. או באופן אחר שאינו רוצה לעבוד ע"ז, אלא שאינו רוצה לקבל עול מלכות שמים ג"כ, אלא להיות חפשי מעבודת כל אלוה, והוא באמת רע ומר יותר מעובד עבודת כוכבים כיון שאין עליו שום עול ואינו מאמין בדין ומשפט כלל, או הוא מיפר תורה לומר שלא ניתנה התורה אלא כדי להפריש מאלילים, וזהו הרעיון גרוע מהכל וכמש"כ בס' במדבר ט"ו ל', וכ"ז הוא שורש פורה וגו'. וכתיב פורה ראש ולא כתיב שורש ראש ולענה, ללמדנו דגם בזה הקלקול עוד גרוע מע"ז, דהעובד עבודת כוכבים אינו חושק להשחית ולהתעות את אחרים, באשר הוא אינו עובד עבודת כוכבים אלא לתיאבון כי יקל לפניו עבודתו ומה לו ולאחרים, משא"כ המושחת בדעותיו ונושא דעו כי הכל פתיים מאמינים לכל דבר, הוא להוט להשכילם דעתו הגסה וכמש"כ בס' ויקרא י"ג מ"ד ע"ש, והרי זה פורה ראש ולענה. והנה כאן הקדים הכתוב ראש ללענה, ובקינות אומר זכר עניי ומרודי לענה וראש, והענין דלענה בתחלת אכילה אינו מר כ"כ, שהרי יוצאים בו ידי מרור והוא דתנן במשנה פסחים פרק ב' ובמרור, ופרש"י פופרץ, וכתבו האחרונים שהוא לענה, וא"כ הוא רך בתחלה, משא"כ ראש מראשית אכילתו הוא מר מאד, ומש"ה לפי דרך הכתובים לכתוב הקל תחלה והקשה אחריו, מש"ה כאן כשמדבר במרות הדעות שממררים את חיי הנפש, הוא מקדים דעה הנשחתה ביותר שהוא לחשוב דאדם כבהמה בלי דין ומשפט כלל, שזו הדעה אף על גב שנראית גרועה ביותר, וכמש"כ בס' ויקרא י"ג מ"א, מ"מ איננה פורה ומשחית לאחרים כ"כ, ומי שיש בו דעה ישרה משכיל כי האדם נוצר להיות תחת השגחת אלוה, משא"כ דעה הנשחתה בקיום תורת משה לבד וכדומה, היא עלולה להטעות ולהפרות בוגדים באדם, וזהו לענה שגרוע ביותר בזה הפרט שאין מבינים מראש כמה היא מרה באחרונה, וכיב"ז נתבאר בס' במדבר ט"ו ל', מש"ה כתיב תחלה ראש ואח"כ גרוע ביותר והוא לענה, אבל בקינות דמיירי במרירות הגוף ורוח האדם, הוא להיפך מתחלה לענה שלא היה תחלתו מר כסופו, ואח"כ ראש מהחל ועד כלה מרה. [ושם ראש עיקר שורש התיבה רוש כלשון המקרא להלן ל"ב ל"ב ענבימו ענבי רוש, אלא במקום לענה כתיב ראש לבאר שמהחל הוא מר]. וכתיב כאן שורש פורה ולא עץ פורה, משום דבזמן מתן תורה ודבר ה' לישראל לא היה עוד יצה"ר דאפקורסות ניכר בישראל, רק יצרא דע"ז, אבל לאחר כמה דורות בזמן בית שני החל להתנוצץ יצרא דאפיקורסות והפקרות, מש"ה כתיב כאן שורש שאינו ניכר לעולם 

  • La Parasha d'après le Netsiv - Devarim

    • Le 09/08/2016

     

       *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

    Exile-toi en un lieu de Torah

     

    Nous entamons cette semaine le cinquième et dernier des livres de la Torah,  Devarim, le Deutéronome, nommé également Michné Torah, la répétition de la Torah.


    Dans cette première lecture hebdomadaire, Moïse commence à relater l’épopée du peuple d’Israël depuis l’ordre de D’ieu de quitter Horeb, et jusqu’à la conquête de l’autre côté du Jourdain, avant l’entrée et la conquête de la Terre d’Israël, qui seront dirigées par Josué.

    Suivant cette conquête de l’autre côté du Jourdain, est déjà relatée en Nombres XXXI, 1-32 la demande des tribus de Ruben et de Gad de s’installer sur ces terres, propices à leurs grands élevages. La colère de Moïse face à cette requête est suivie par son acceptation sous condition que ces derniers laissent leur famille et traversent le Jourdain afin d’être à l’avant de leurs frères pour conquérir la Terre Promise. Une fois ceci accepté par ces deux tribus, arrive le verset 33 indiquant que Moïse partage cette contrée fertile en trois parts. Deux parts pour les tribus de Ruben et de Gad, cela va de soi, mais aussi une troisième partie pour la moitié d’une autre tribu, Manassé.

    Notre portion hebdomadaire reprend les conquêtes et la répartition de cette terre entre les deux tribus et demi (Deut. III, 12-17), ainsi que le rappel de Moïse à leur promesse d’aider leurs frères (III,18). C’est en observant la façon dont la répartition est faite ainsi que le rappel que les questions vont se poser[i].

    Premièrement, l’ordre des versets pour décrire le partage ne paraît pas, de prime abord, logique.

    En effet, dans le verset III,12 les tribus de Ruben et Gad reçoivent une part d’héritage, puis les trois versets suivants décrivent celle de la moitié de Manassé… mais une fois ceci accompli, le texte reprend l’énonciation des terres données à Ruben et Gad. Pourquoi une telle coupure ? N’aurait-il pas été plus logique de compléter un sujet avant de passer à un autre ? Pourquoi amalgamer deux tribus et mettre l’autre demi-tribu à part ?

    Deuxièmement, certes ces tribus avaient des gros élevages, mais il semble que la répartition n’est pas égale, et que, proportionnellement, la demi-tribu de Manassé reçoit bien plus que celle de Ruben ou de Gad.

    Troisièmement Moïse rappelle aux tribus leur devoir de combattre auprès de leurs frères pour conquérir la Terre d’Israël, et Rachi nous précise (III, 18) que l’injonction est, tout comme dans le premier récit, dirigée vers les deux tribus de Ruben et de Gad, mais non vers Manassé bien que dans notre texte celle-ci vienne après la répartition de ce côté du Jourdain entre tous.

    Il convient de se rappeler que le dessein original n’était pas de commencer l’entrée en Terre Sainte par la conquête et l’installation sur cette partie du Jourdain[ii]. Ceci est clairement exprimé par le mécontentement de Moïse à la demande des deux tribus. De fait, note le Netsiv, toute l’histoire relatée ici, depuis le début du chapitre 2, est une remontrance au peuple. Si, suivant la faute des explorateurs, le peuple d’Israël se serait plié à la sanction divine de devoir passer les 40 prochaines années dans le désert, si les ma’apilim n’avaient pas défié l’ordre Divin en voulant monter en Israël après la faute des explorateurs, alors la peur de D’ieu et de Son peuple serait restée intacte et Edom les aurait laissés passer par ses terres. Suivant ce scénario, la terre d’Israël aurait été conquise et répartie, puis les terres de l’autre côté du Jourdain aussi. En allant contre l’ordre Divin, cette peur s’évapora, et le peuple dut sortir en guerre contre Si’hon et Og, conquérant ainsi leurs contrées avant de traverser le Jourdain, conférant ainsi à cette région une sainteté moindre que celle promise à nos pères

    C’est pour cette raison que les tribus de Ruben et de Gad furent exilées en premier.

    Comment donc raffermir une région coupée du reste du peuple par le Jourdain, dont la sainteté est moins grande ?

    La réponse est claire : en y envoyant des personnes qui sauront faire office de dirigeants spirituels, qui pourront guider la population.

    Or les fils de Manassé sont ces personnes[iii]. Et donc, nous explique le Netsiv, Moïse va les convaincre de scinder leur tribu en deux. Une moitié ira s’installer avec le reste des tribus, l’autre restera avec les deux désirant hériter de ce côté-ci du Jourdain.

    C’est donc pour cette raison que Moîse va répartir ainsi les terres. Il faut que leur superficie soit conséquente au sacrifice demandé de cette tribu. Il commence donc par attribuer les terres aux tribus de Ruben et de Gad, qui ont fait la demande d’y vivre, mais ne peut achever cette tâche que lorsqu’il sait combien de terre il reste à partager pour la demi-tribu de Manassé.

    C’est donc pour cette raison aussi qu’il n’est pas nécessaire de faire promettre ou de rappeler la promesse d’aller se battre aux côtés des autres tribus. Non seulement parce que ceci est évident : la moitié d’entre eux vont habiter sur la rive ouest du Jourdain et donc ils ont tout intérêt à participer activement à la conquête, mais aussi car ils n’ont pas demandé à résider sur la rive et font, en quelque sort, une faveur en y laissant la moitié d’entre eux.

    La Torah, en relatant la façon dont Moïse répartit ces terres, nous donne un message de plus. Il aurait été possible de répertorier toutes les terres de Ruben, de Gad et de Manassé dans leur totalité en une fois, au lieu de faire cette pause concernant les terres de Manassé au milieu du décompte de celles de Ruben et Gad. La logique et la fluidité de la lecture le demandent.

    Du fait que Moïse ne peut pas achever cette tâche de répartition sans avoir la certitude que vivront avec ces tribus des dirigeants spirituels, des enseignants, le peuple qui est sur le point d’entrer la terre d’Israël, où les miracles qui étaient le quotidien du désert ne le seront plus, reçoit une leçon importante : Celle de rechercher à vivre à proximité de Sages, dans un lieu de Torah, car de ceci dépend la continuité du peuple d’Israël. Ainsi que Rabbi Nehoraï l’enseigne dans le traité de nos Pères IV, 14 : « Exile-toi vers un lieu de Torah et ne te dis pas qu’elle viendra après toi[iv] ».

     

    Nathalie Loewenberg

     

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

    * Texte : cf. note IV

     

     

    [i] Haemek Davar Deut, III,16

    [ii] Haemek Davar, Deut, III, 12

    [iii] Voir Juges V, 14 : « Makhir a produit des législateurs »

    [iv]

    משנה מסכת אבות פרק ד

    משנה יד

    רבי נהוראי אומר הוי גולה למקום תורה ואל תאמר שהיא תבוא אחריך שחביריך יקיימוה בידך ואל בינתך אל תשען:

    ג, י"ב

    ואת הארץ ההיא וגו׳. יש לשום לב לכל הספור מן ונפן ונעל עד סוף הסדרה איזה דבר תוכחה יצוק בזה. אבל ראוי לדעת דאלו לא חלקו ב״ר וב״ג בעה״י לא גלו תחלה ב״ג וב״ר. דעה״י קדושתה קלה מא״י וגם כח התורה מעט בקרבה כדתניא באדר״נ ס״פ כ״ו בראשונה היו אומרים דגן ביהודה ותבן בגליל ומוץ בעה״י. ולענין תורה מיירי שם. וכדאי׳ במדרש פ׳ תולדות ורוב דגן זה תלמוד. וכבר רמז משה להם באמרו ודעו חטאתכם אשר תמצא אתכם כמש״כ בס׳ במדבר ל״ב כ״ג. ואחר שגלו ב״ר וב״ג הוקל גם קדושת א״י כדאי׳ בערכין דל״ב ב׳ כשגלו שבט ב״ג וב״ר כו׳. וכ״ז גרם חטא מרגלים דאלו עלו מקדש ברנע דרך אדום לא״י לא היה אז מלך אדום מסרב מלהרשות את ישראל לעבור בגבולו בעוד שהיה פחד קריעת י״ס על אלופי אדום והיו כובשים תחלה א״י ומחלקים בשוה ובאים אח״כ לעה״י ולא היה הגלות ושארי צרות. אבל עתה כשהעפילו לעלות והוכחו בשעיר עד חרמה הוקל כבוד ומורא ישראל בעיני אדום. וכן במואב עד שהגיעו בע״כ לסיחון. ועלה שנכבשו ארץ סו״ע ונתחלק ארץ עה״י לב״ג וב״ר ויצא מה שיצא. וכ״ז תוכחה מה הגיע עון מרגלים ומה שהעון סיבב. ואת אשר לפניהם לעשות בשמירת התלמוד ופלפולה. וע״ע בסמוך:

     

    ג,ט"ז

    ולראובני ולגדי וגו׳. אין סדר הספור מכוון. במקרא י״ב החל בנחלת ראובני וגדי והפסיק הענין והחל בנחלת שבט מנשה ואח״כ סיים בנחלת ראובני וגדי ולאו דבר ריק הוא. אלא נראה עפ״י שיש להתבונן עוד שהרבה משה רבינו חלקת חצי שבט מנשה הרבה לפי ערך שני שבטים אלו וגם לא התנה עמם תנאי ב״ג וב״ר. הן אמת שהלכו בני מכיר בן מנשה גלעדה וילכדוה מכ״מ אין זה טעם ליתן להם בשביל זה. כמו שלא נתן לשלוחי ישראל לרגל את יעזר ולכדו בנותיה ומכ״מ לא ניתן להם בנות יעזר דבשליחות ישראל נעשה ואמאי ניתן הגלעד למכיר וחבל ארגוב ששים עיר ליאיר. וע״כ היה בזה כונה פנימית שנוגע לכלל ישראל שישבו בעה״י. ונראה דבשביל שראה משה רבינו דבעה״י כח התורה מעט כמש״כ לעיל בשם אדר״נ. ע״כ השתדל להשתיל בקרבם גדולי תורה שיאירו מחשכי הארץ באור כח שלהם. וכתיב מני מכיר ירדו מחוקקים. היינו גדולי תורה ראשי ישיבות כמו שמפורש בסנהדרין ד״ה על הא דכתיב לא יסור שבט מיהודה ומחוקק מבין רגליו. אלו בני בניו של הלל שמלמדים תורה ברבים. וכן היה בכל דור. וכבר פירשו ביבמות דס״ב ב׳ דמני מכיר ג״כ היה משבט יהודה היינו זרע יאיר בן מנשה היו מבני יהודה כמבואר בדה״א ב׳ שהיה בן שגוב בן חצרון בן פרץ. ועי׳ להלן ל״ג כ״ג והשתדל משה שיתרצו המה לשבת בעה״י. ומשום זה הרבה להם נחלה עד שנתרצו. והכי אי׳ בירושל׳ ביכורים פ״א שאין מביאין ביכורים מעה״י משום דכתיב ארץ זבת חו״ד ולא עה״י. תני אשר נתת לי ה׳ ולא שנטלתי לי לעצמי מאי ביניהון א׳ ר׳ אבין חצי שבט מנשה ביניהון מ״ד אשר נתת לי ולא שנטלתי לי מעצמי חצי שבט מנשה לא נטלו מעצמן כו׳. פי׳ שלא נטלו כ״א ע״י בקשת משה ומסתמא עשה ע״פ ה׳. וזהו סדר הפ׳ שהוכיח משה לישראל שהחל לחלוק נחלת ב״ג וב״ר ולא יכול לגמור עד שדבר עם חצי שבט מנשה וגמר עמם ונתרצו בחלקם. אז ידע משה לגמור חילוק נחלת ב״ג וב״ר. ודבר זה היה ידוע לכל ישראל באותה שעה. ואח״כ סיפר להם הענין כמה השתדל להשתיל בקרבם גדולי תורה. ומזה ילמדו לדורות להשתדל לדור במקום תורה דוקא כי בזה תלוי חיי ישראל וכדאי׳ בכתובות דקי״א א׳ כשם שאסור לצאת מא״י לבבל כך אסור לצאת מבבל לחו״ל ופרש״י לפי שיש שם ישיבות המרביצות תורה תמיד. ואפי׳ לענין קבורה אמרו חז״ל שם שטוב להקבר במקום תורה כמו במעלת א״י. כ״ז הראה משה רבינו לדורות מה שעשה בזמנו:

     

  • La Parasha d'après le Netsiv - Matot-Maassé

       *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

    La loi des interférences

     

    A la fin de son commentaire sur Bamidbar, le Natsiv fait une remarque qui laisserait sans voix de nombreux commentateurs : il constate que le dernier verset de Bamidbar finit presque de la même façon que celui de Vayikra . « Voici les commandements que Dieu a ordonné à Moïse aux enfants d'Israël sur le mont Sinaï »[1] clôt le livre de Vayikra. A la fin de Bamidbar, le peuple a migré et se trouve sur les plaines de Moav, le verset dit alors « voici les commandements et les lois que Dieu a ordonné par la main de Moïse aux enfants d'Israël dans les plaines de Moav, sur le Jourdain »[2]. Les différences sont minces, et le lecteur pressé se dit qu'il faut bien conclure. C'est très mal connaître le Netsiv qui va tirer partie des deux différences qu'il a exhibées pour les éclairer mutuellement.

    Le terme employé en plus dans Bamidbar est le terme de  michpatim (lois). « Mais le livre de Vayikra n'est-il lui même pas rempli de lois ? » questionne l'auteur. Pour comprendre la question à un second degré, il faut se rappeler que traditionnellement les lois (michpatim) s'opposent à décrets ('houkim) : ces derniers visant plutôt les lois qui semblent étrangères à l'entendement, telles que la purification des gens en contact avec les morts, ou les mélanges interdits de laine et de lin, les michpatim visant les interdits de vol, de meurtre, ou généralement tout interdit avec lequel l'intelligence se trouve en terrain conquis. Or, fait remarquer notre auteur, il existe aussi des michpatim  dans Vayikra ! Comment justifier alors ce mot en plus, laissant  penser qu'il n'y a de michpatim que dans le livre de Bamidbar ?

    Le deuxième terme employé en plus c'est la mention de Moïse comme médiateur, en l'usage du mot « par la main de Moïse ». On aimerait retrouver chez les modernes un tel souci du détail interprétatif, mais c'est en vain qu'on essaierait : on préfère interpréter le texte à la lueur de son idée centrale, c'est la moindre des choses pour les textes non révélés. Pour un texte donné par Dieu, toutes les ruses interprétatives sont possibles et même requises. Comme on va le voir.

    En effet, le Netsiv va mettre ces deux remarques en rapport avec un texte talmudique très énigmatique[3] : « La Torah n'a été donnée qu'à Moïse et sa descendance, mais celui-ci s'est comporté avec générosité, et la céda à l'ensemble d'Israël ». Le talmud s'étonne, pose des questions et conclut : « en réalité ce qu'il céda à Israël c'est la faculté de raisonner pour produire les lois de la Torah ». De quoi s'agit-il ?  La Torah pourrait très bien être un recueil de lois, fini, dont rien ne pourrait s'échapper, nous serions alors contraints devant toutes les questions qui se posent soit à demander au prophète, soit rester dans l'inconnu. C'est la Torah du mont Sinaï. Elle n'est pas exactement celle qui fut donné à Moïse et ses descendants : eux ont eu, en plus de la Torah telle qu'elle est écrite, la capacité de raisonner à partir d'elle et d'utiliser des règles herméneutiques[4].  Lorsqu'une question nouvelle se présente au Sanhédrine, celui-ci a la latitude de les utiliser pour déduire des nouvelles lois de la Torah, ou plutôt de répondre aux nouvelles questions qui ne manquent pas de surgir à chaque génération.

    L'audace du Netsiv est d'appeler l'ensemble de ces nouvelles possibilités ouvertes par le nom de michpatim. Ainsi la transition du mont Sinaï aux plaines de Moav est une véritable révolution herméneutique : celle de faire comprendre à un peuple que la Torah est à élaborer à chaque génération[5].  Quarante ans se sont écoulés entre le début de Bamidbar et la fin : quarante pour le comprendre[6].

    Si l'on peut parler d'audace herméneutique de la part du Netsiv, c'est qu'il utilise un terme des plus courants pour en redessiner sereinement le contour : ce qui différencie un commandement d'un michpat,  ce n'est pas que l'entendement se sente plus à l'aise avec certaines lois qui lui paraissent plus « logiques ». Il n'existe pas de loi logique, et les systèmes de lois essayés par les hommes montrent bien qu'il existe de nombreuses possibilités. Mais plutôt quand on met en tension, qu'on fait interférer et qu'on confronte des lois et des versets,  on découvre que chacun éclaire et s'éclaire là où au départ il n'y avait qu'obscurité sur obscurité. C'est un peu ce que fait ici le Netsiv.

    Franck BENHAMOU

     

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

    * Texte :

    העמק דבר במדבר פרק לו פסוק יג
    יג) והמשפטים. בסוף ספר ויקרא לא כתיב אלא אלה המצות, ולא כתיב והמשפטים, אף על גב שגם בספר ויקרא כתיב הרבה דיני ממונות, אלא משפטים משמע כאן חקירות היוצא מי"ג מדות כדאיתא בסנהדרין דף פ"ז בבאור הכתוב כי יפלא ממך דבר למשפט, ובהר סיני עוד לא ניתן דרך החקירות אלא למשה ולזרעו כדאיתא בנדרים דף ל"ח, ורק בערבות מואב הואיל משה באר התורה כולה על פי דרך הפלפול והחקירות כאשר יבואר ריש ספר דברים, משום הכי כאן שנאמרו בערבות מואב כתיב והמשפטים, דכבר צוה ה' גם על המצות וגם על המשפטים, והיינו דכתיב כאן ביד משה אל בני ישראל. דלשון ביד משה משמעו דברי קבלה שלא נדבר עמו פא"פ אלא בשפע סיעתא דשמיא, כמש"כ כמה פעמים, וע"ע מש"כ בספר ויקרא סוף התוכחה אלה החקים והמשפטים וגו' ביד משה:

     

     


    [1]Vayikra 27.34.

    [2]Bamidbar 36.13.

    [3]Nédarim 38. Citation partielle, comme l'usage talmudique le veut, de nombreux versets sont cités pour être interrogés, mais ce n'est pas le propos ici.

    [4]Elles sont au nombre de treize, codifiées par Hillel.

    [5]Entendons-nous par les maîtres de chaque génération, et non quelques rabbins en manque d'audience.

    [6]Certains y mettraient plusieurs vies.

  • La Parasha d'après le Netsiv - Pin'has

    *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

    Le traumatisme de la paix

     

    La Paracha précédente, celle de Balak, nous laisse sur un « cliffhanger », un suspens particulièrement intense, suite au coup d’éclat d’un individu jusqu’ici inconnu, Pinh’as, fils de Eleazar, fils du Grand-Prêtre Aharon.

    Cet homme, avec une audace et un courage surprenant, a décidé, sans procès ni jugement, d’exécuter un homme - non des moindres - Zimri ben Salou, prince de la tribu de Shimon ainsi que sa concubine Moabite, et a ainsi sauvé de l’épidémie menaçant les Enfants d’Israël après leur fourvoiement avec les filles de Moav.

    Après son acte héroïque, l’Eternel gratifia entre autres Pinh’as d’une « alliance de paix ».

    Le Netsiv explique qu’il s’agit d’une récompense pour avoir apaisé le courroux divin prêt à balayer le peuple d’Israël, et pour avoir rétabli la paix dans ce moment si critique entre Israël et son Dieu. Pas n’importe quel type de paix, mais une véritable paix intérieure, loin de la colère et de la rigueur.

    Qu’est-ce donc cette « alliance de paix » ? Car l’acte de Pinh’as n’est en rien anodin. Pinh’as a tué un homme et une femme de manière passionnée, avec violence, sans concertation, sans procès et sans ordre quelconque. Il a bravé l’opinion générale pour se mettre à dos le peuple, qui a raillé ses origines idolâtres (d’où le rappel par le premier verset de sa glorieuse ascendance).

    Un épisode dégageant une tension si extrême ne peut laisser indemne aucun être humain. Tout zélateur qu’il est, jaloux devant l’Eternel son Dieu et agissant en son âme et conscience, devrait finir par développer un « Réguech Az », une sorte de stress post traumatique, un trouble anxieux sévère qui se manifeste suite à une expérience hautement traumatisante, une confrontation intense à la mort, comme c’était le cas pour Pinh’as.

    Mais son acte était entièrement tourné vers son Créateur, « au nom du Ciel », l’Eternel lui a donc accordé une bénédiction spéciale, qui a permis à Pinh’as de devenir un homme en paix avec lui-même et avec son environnement. Une force tranquille en quelque sorte. Un homme nouveau, qui va désormais résoudre ses conflits par la méthode pacifique.

    A plusieurs reprises par la suite cette nouvelle personnalité lui a permis de réconcilier les tribus entre elles, par exemple lors de l’épisode de l’idole de Micah, entre la tribu de Benjamin et le restant du peuple.

    Telle est, selon le Netsiv, la récompense du véritable défenseur de la paix, Pinh’as, qui a compris dans ce moment critique qu’elle ne peut être bâtie sur des compromis et des faiblesses.

    L’expérience tragique que nous vivons de nos jours nous en démontre le prix exorbitant.

     

    ELIE DAYAN

     

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

    * Texte :

    העמק דבר במדבר פרק כה פסוק יב
    את בריתי שלום. בשכר שהניח כעסו וחמתו של הקדוש ברוך הוא ברכו במדת השלום, שלא יקפיד ולא ירגיז, ובשביל כי טבע המעשה שעשה פינחס להרוג נפש בידו, היה נותן להשאיר בלב הרגש עז גם אחר כך, אבל באשר היה לשם שמים משום הכי באה הברכה שיהא תמיד בנחת ובמדת השלום, ולא יהא זה הענין לפוקת לב, ועי' כיב"ז בס' דברים י"ג י"ח ברוצחי עיר הנדחת. וכתיב שלום קטיעה, דבמה שהיה במדת השלום יותר מהראוי, שלא קנא בימי השופטים על פסל מיכה ועוד, כמבואר בתנא דבי אליהו ובילקוט שמעוני שופטים, משום הכי כתיב קטיעא נענש, ונמצא דמדת השלום נהפך לו לרועץ: 

     

     

     

     

  • La Parasha d'après le Netsiv - Balak

    • Le 20/07/2016

    *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

    Bil’am et le Sefer Hayashar – Le livre de la droiture

     

    Les bénédictions de Bil’am qui auraient dû être autant de malédictions sont connues de tous. Un demi-verset, peut-être moins connu, au milieu de ces bénédictions mérite notre attention : “ תמות נפשי מות ישרים “ (XXIII, 10)– Bil’am ici, ne bénit ni ne maudit, mais prie pour lui-même : « Que je meure en homme droit ». Cette prière et cette expression inattendue ont fait l’objet d’un commentaire du Netsiv…

    Ce dernier interroge d’abord la définition du mot « yashar » - droit ; n’aurait-il pas mieux fallu espérer la mort en « tzaddik », en « juste ». Etre Tzaddik, explique le Netisv, nécessite l’accomplissement de la Torah et de ses mitzvot ; être droit – Yashar- par contre est accessible a tout à chacun, Juif comme non-Juif, car la droiture n’est autre que la droiture dans les relations humaines ! Au summum de sa vision prophétique, voilà ce à quoi Bil’am aspire : à la rectitude, à la moralité dans les relations humaines !!

    Le Netsiv continue en citant un passage du traite Avoda-zara, commentant notre verset : « Que je meure en homme droit - commente le Talmud- que je meure comme Avraham, Itsh’ak ou Yaakov ».

    Ainsi, nous dit le Netsiv, selon le Talmud, les patriarches sont l’archétype de l’homme droit. Cette spécificité de la rectitude chez nos patriarches a été longuement commentée par le Netsiv. Il y a consacré, l’un de ses textes, peut-être l’un des plus connus : son introduction au livre de Bereshit.

    Dans cette introduction, le Netsiv s’interroge sur l’appellation du livre de Bereshit, le « sefer haYashar », le « livre de la rectitude », en hommage à nos trois patriarches[1].

    Les Patriarches, nous explique-t-on dans cette introduction ne se sont pas contentés d’être des Tzaddikim, d’exceller dans la pratique de la Torah et des Mitzvot (dans le contexte pre-sinaique, on dira l’accomplissement du commandement Divin…), mais ils ont aussi -et peut-être avant tout- exceller dans leurs relations avec autrui. Le Netsiv explique de manière on ne peut plus explicite : « avec autrui, Juif comme idolâtre, pieux comme impie ». Les exemples abondent pour étayer son propos : Avraham qui a prié jusqu’au dernier moment pour sauver les impies de Sodome, sa fidélité envers Loth, Itsh’ak et sa promptitude à mettre fin aux conflits avec Avimele’h, Yaakov et son empathie envers Lavan cherchant ses idoles etc…

    Voilà ce que le Talmud retient -selon le Netsiv- des Patriarches : leur yashrout, leur rectitude envers les autres humains. Voilà pourquoi, continue-t-il, le livre de Bereshit, le livre de la création est appelé le « livre de la rectitude » : sans cette rectitude, point de création, point de maintien du monde…

    Le Netsiv ne s’arrête pas là : après avoir fait l’éloge des Patriarches, il éclaire, fort de ce commentaire, une période moins heureuse – la fin du second Temple.

    Voilà une société, nous explique-t-il, qui comporte sans aucun doute des Tzaddikim, des gens très pieux, qui excellent dans la pratique des moindres détails… Mais voilà surtout une société où la Yashrout n’est plus au rendez-vous ; plus de droiture, de moralité dans les relations humaines : la suspicion est omniprésente ! Et pire, nous dit le Netsiv, la suspicion est omniprésente du fait même de leur piété : « la haine gratuite ayant envahi leur cœur, ils soupçonnaient quiconque n’était pas assez pieux à leurs yeux... ».

    Si le livre de la Création s’appelle le « livre de la rectitude », la fin néfaste du second Temple était ainsi inéluctable : sans droiture dans les relations humaines (qu’elle que soit le niveau de piété de « l’autre »), point de monde ; et le h’ourban, la destruction n’est qu’histoire de temps…

    “ תמות נפשי מות ישרים “, « Que je meure en homme droit », espérait Bil’am….

    Benjamin Sznajder

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

    * Texte :

     

    העמק דבר במדבר פרק כג פסוק י
    תמות נפשי מות ישרים. כיון שהגיע למדה זו של חסד הנפלא ביעקב ובישראל, הצטער על עצמו הלואי שהגיע בסוף ימיו למות מות ישרים. ומשמעות מעלת ישר, הוא הנהגה ישרה בהליכות עולם בין אדם לחבירו כמש"כ בספר דברים בשירת האזינו על הפסוק צדיק וישר הוא, ובגמרא על הפסוק ועשית הישר והטוב, ולא מצא בלעם לב להתפלל שימות מות צדיקים וחסידים, שזהו ענין הנוגע בתורה ומצות ה' השייך רק לישראל ולא לאומות העולם, אבל על זה התפלל שיהיה כיעקב שנפלא במדת ישרים, שהרי מרבין חסד גם לאומות העולם ומפרנסין עניי עובדי כוכבים עם עניי ישראל, וידוע כמה נצטערו נביאי ישראל בשעה שראו חרבן אוה"ע, ולא כן עשה בלעם שביקש לעקור את ישראל, ואינה מדה ישרה אפילו למי ששונא אותם, על זה התפלל על עצמו שיגיע במותו מות ישרים. וחז"ל במסכת ע"ז דף כ"ה פירשו מות ישרים אברהם יצחק ויעקב, וכבר ביארנו בפתיחתא דספר בראשית שהולך על כונה זו דיקא יע"ש, וביארנו שם מאמרם ז"ל בסנהדרין דף ק"ה, אם תמות נפשי מות ישרים תהי אחריתי כמהו, וא"ל ועתה הנני הולך לעמי, אחר שאיעצך לאבד את ישראל על ידי זנות שוב הנני הולך: 

    העמק דבר בראשית פתיחה
    זה הספר הנקרא ספר בראשית. נקרא בפי הנביאים ספר הישר. כדאיתא במ' עבודת כוכבים (כ"ה ע"א) על שני מקראות בס' יהושע (י' י"ג) הלא היא כתובה על ספר הישר. ובס' שמואל ב' (א' י"ח) ויאמר ללמד בני יהודה קשת הנה כתובה על ספר הישר. ומפרש ר' יוחנן זה ספר אברהם יצחק ויעקב שנקראו ישרים שנאמר תמות נפשי מות ישרים. ויש להבין הטעם למה קרא בלעם את אבותינו בשם ישרים ביחוד ולא צדיקים או חסידים וכדומה. וגם למה מכונה זה הספר ביחוד בכנוי ישרים. ובלעם התפלל על עצמו שיהא אחריתו כמו בעלי זה הכנוי. והענין דנתבאר בשירת האזינו עה"פ הצור תמים פעלו וגו' צדיק וישר הוא. דשבח ישר הוא נאמר להצדיק דין הקדוש ברוך הוא בחרבן בית שני שהיה דור עקש ופתלתל. ופירשנו שהיו צדיקים וחסידים ועמלי תורה. אך לא היו ישרים בהליכות עולמם. ע"כ מפני שנאת חנם שבלבם זה את זה חשדו את מי שראו שנוהג שלא כדעתם ביראת ה' שהוא צדוקי ואפיקורס. ובא עי"ז לידי שפיכות דמים בדרך הפלגה ולכל הרעות שבעולם עד שחרב הבית. וע"ז היה צדוק הדין. שהקב"ה ישר הוא ואינו סובל צדיקים כאלו אלא באופן שהולכים בדרך הישר גם בהליכות עולם ולא בעקמימות אף על גב שהוא לשם שמים דזה גורם חרבן הבריאה והריסות ישוב הארץ. וזה היה שבח האבות שמלבד שהיו צדיקים וחסידים ואוהבי ה' באופן היותר אפשר. עוד היו ישרים. היינו שהתנהגו עם אוה"ע אפי' עובדי אלילים מכוערים. מכל מקום היו עמם באהבה וחשו לטובתם באשר היא קיום הבריאה. כמו שאנו רואים כמה השתטח אברהם אבינו להתפלל על סדום. אף על גב שהיה שנא אותם ואת מלכם תכלית שנאה עבור רשעתם כמבואר במאמרו למלך סדום. מכל מקום חפץ בקיומם. וברבה פ' וירא (פמ"ט) איתא ע"ז שאמר הקדוש ברוך הוא לאברהם אבינו אהבת צדק ותשנא רשע. אהבת להצדיק את בריותי ותשנא להרשיען ע"כ וכו'. והיינו ממש כאב המון גוים שאע"ג שאין הבן הולך במישרים מכל מקום שוחר שלומו וטובו. וכן הוצק חן ודרך ארץ נפלא על דבר אברם את לוט כמו שנתבאר פ' לך. וכן ראינו כמה נח היה יצחק אבינו להתפייס ממשנאיו ובמעט דברי פיוס מאבימלך ומרעיו נתפייס באופן היותר ממה שבקשו ממנו כמבואר במקומו. ויעקב אבינו אחר שהיטב חרה לו על לבן שידע שביקש לעקרו לולי ה'. מ"מ דבר עמו דברים רכים עד שאמרו ע"ז בב"ר (פע"ד) קפדותן של אבות ולא ענותנותן של בנים ע"ש. ונתפייס עמו מהר. וכן הרבה למדנו מהליכות האבות בדרך ארץ. מה ששייך לקיום העולם המיוחד לזה הספר שהוא ספר הבריאה. ומש"ה נקרא כמ"כ ספר הישר על מעשה אבות בזה הפרט. ובלעם בשעה שהיה רוה"ק עליו לא היה יכול להתפלא על רוע מעשיו שאינו צדיק וחסיד כאברהם יצחק ויעקב אחרי שהוא נביא אוה"ע. וראשו במקור הטומאה. אכן התפלא על רוע הילוכו בדרך ארץ שאם שראוי היה לו לשנוא את ישראל תכלית שנאה באשר שהמה בני אברהם יצחק ויעקב וראשם במקור הקדושה. אבל מכל מקום לא היה ראוי לפניו לבקש לעקר אומה שלימה. ואינו דרך ישרה בקיום העולם. וע"ז צעק תמות נפשי מות ישרים. היינו מקיימי הבריאה. ובזה יבואר הא דאיתא בסנהדרין ד' ק"ה א' אם תמות נפשי מות ישרים תהא אחריתי כמוהו ואם לאו הנני הולך לעמי. ופירש"י מיתת עצמי. ולא נתבאר איך מרומז זה במות ישרים. וגם מה שמסיים ואם לאו הנני הולך לעמי. אינו מרומז בזה המקרא כלל. אלא כמש"כ וה"ק אם תמות נפשי מות ישרים היינו שלא ארצה באבדן אנשים אז תהי אחריתי כמוהו. ואם לאו היינו אחר שארצה לאבד את ישראל כמו דכתיב לכה איעצך וגו'. אז הנני הולך לעמי באבדן כמו כל עמי. ובדברינו נתיישב יפה על מה נקרא זה הספר ספר הישר שהוא ספר הבריאה: 

     

     

     

    [1] Traite Avoda-Zara 25

  • Attentat de Nice

    • Le 18/07/2016

    Réflexion maïmonidienne sur l'attentat de Nice

     

    Promenade des anglais de nuit by lona green butterfly 1

     

    Habitant à Cagnes-sur-Mer, où j’exerce dans la communauté juive locale en tant que rabbin, je vais toute la semaine sur Nice. J’y amène mes enfants à l’école après l’office du matin dans ma Synagogue, puis je me rends au Collel où j’étudie. Tous les jours, j’ai le privilège d’effectuer ce trajet avec la mer à ma droite et les montagnes en face. Je connais bien cette ville, où j’ai même habité durant une partie de mes études universitaires, ses recoins, ses chemins, ses paysages… Je m’y sens apaisé. Je n’oublie pas toutefois qu’en retrait de la vitrine touristique et du panorama magistral se trouvent des quartiers davantage défavorisés, que des vrais problèmes existent. Evidemment. Mais Nice n’en reste pas moins une ville dans laquelle l’atmosphère générale influe positivement sur le moral… Alors comment dois-je réagir lorsque mon cadre de vie devient la cible de cette violence terroriste à laquelle nous nous habituons douloureusement ?  

    L’émotion ne doit pas me faire perdre de vue que les clefs pour entreprendre une réflexion constructive se trouvent dans notre Torah et ses commentaires. Au début de ses lois sur le jeûne. Maïmonide présente à première vue un discours religieux « classique » sur la nécessité d’une introspection lorsqu’un malheur survient. Un verset est rapporté pour justifier ses dires : « Lorsque vous irez en guerre, dans votre terre, contre l’ennemi qui vous attaque, vous ferez retentir les trompettes, alors l’Eternel votre Dieu se souviendra de vous et vous sauvera » (Nombres 10, 9). Le son des trompettes dont il est question est la « terou’a », l’une des trois sonneries du Shofar qui rappelle les lamentations[1]. Or si Maïmonide signifie par-là que le secours intervient lorsque les regards se tournent vers Dieu et l’implorent, le contexte du verset parle d’une guerre. Le fait d’implorer Dieu et de prendre conscience qu’un éloignement de notre part peut être la cause des maux qui nous frappent, n’exclue pas une action matérielle, sécuritaire et militaire lorsque les circonstances l’exigent.

    La fin du verset conclut : « Et vous serez délivrés de vos ennemis ». Dans son commentaire sur ce passage, le Netsiv de Volozhine remarque que « l’ennemi » du début du verset est nommé « tsar », ce qui signifie davantage « l’oppresseur », alors que celui de la fin est nommé « oiyev ». Se fondant sur le Sifri, il propose alors de décomposer le verset en deux parties : la première traite d’attaques répétées des oppresseurs d’Israël, qui sont souvent impunis à travers l’histoire, alors que le second désigne la guerre finale, Gog et Magog, dans laquelle le secours de Dieu sera complet. Ce commentaire nous permet de comprendre pourquoi ce verset illustre-t-il le propos du Rambam : Le repentir et les lamentations vers Dieu constituent une attitude nécessaire, mais pas forcément une recette miracle apportant le secours, puisque celui-ci ne sera vraiment entier qu’à la fin des temps.

    Par la suite, Maïmonide avance une idée personnelle : « Si on ne se lamente pas et qu’on suppose que cet évènement est simplement provoqué par la conjoncture du moment, et que ce malheur est accidentel, cette manière d’agir s’apparente à de la cruauté (…) »[2]. Pourquoi parler ici de « cruauté » ? On peut entendre que celui qui refuse de voir la main de Dieu dans ce monde manque de foi… Mais pourquoi serait-il « cruel » ? Dans son commentaire sur ce passage, le Divré Yrmiahou[3] explique que le judaïsme prône avant tout l’amour de Dieu. Croire que Dieu est capable d’envoyer gratuitement des souffrances, c’est refuser ce lien entre ses créatures et Lui. Or l’impossibilité de concevoir une relation d’amour s’apparente à de la cruauté. Rien n’arrive par hasard, Dieu ne laisse pas un terroriste massacrer des innocents sans raison…

    Dans le même esprit, Maïmonide met par ailleurs en garde contre l’idée selon laquelle les souffrances envoyées à l’homme ont pour but de le grandir, et lui oppose l’adage talmudique suivant : « C’est uniquement du péché que vient la mort, uniquement des iniquités que viennent les souffrances »[4]. Il me semble que l’objectif de son discours est avant tout que le quidam n’imagine pas que Dieu puisse envoyer des malheurs sans raison, injustement[5]. Inutile cependant de s’improviser prophète en supposant telle ou telle cause à la détresse qui nous parcoure, appréhendant à tort la providence divine comme de simples devinettes… L’introspection ne consiste pas à trouver la cause exacte des malheurs qui nous parviennent, mais à prendre conscience d’un état d’éloignement avec Dieu. Il n’y a ici aucun systématisme, mais un processus de rapprochement en réponse à cet éloignement. Les théories fantaisistes selon lesquelles Dieu envoie au quidam des messages qu’il doit savoir déchiffrer n’ont aucun fondement sérieux dans nos textes. Même Eliphaz, le compagnon de Job, lui soutenant que la cause de ses souffrances ne peut se trouver que dans ses fautes, admet que Job lui-même ne soit pas en mesure de comprendre desquelles il s’agit[6].

    Néanmoins, certains constats sont recommandés à condition qu’ils restent du domaine du rationnel, et qu’ils ne prétendent pas s’ériger en vérités absolues. En l’espèce, je remarque surtout que les informations vont vite, trop vite. Les images et vidéos nous parviennent aujourd’hui en direct. Pendant que notre monde s’accélère, le terrorisme suit le mouvement et utilise nos propres addictions aux réseaux pour nous attaquer. Nous sommes au cœur d’un problème qui nous concerne. Les temps changent et les symptômes du changement nous font mal. Nos yeux voient tellement de lumières virtuelles qu’il en devient difficile de regarder en nous. C’est pourtant essentiel. Le retour du soleil niçois en dépend, et nous le désirons ardemment.

     

    Yona GHERTMAN

     

    [1] Voir TB Roch Hachana 33b.

    [2] Hilkhote Taaniot 1, 3.

    [3] Rav Yrmiahou Lev (Moravie, 19ème siècle).

    [4] TB Shabbat 55b.

    [5] Voir Guide des Egarés III, 24.

    [6] Guide des Egarés III, 23.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La Parasha d'après le Netsiv - 'Houkat

    • Le 13/07/2016

     

    *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

     

    'Houkat : Les dangers de l’extase mystique

                     

    Les deux parashiots de Korah’ et ‘Houkat ne sont jamais lues ensemble. Pourtant, les commentateurs, depuis le Midrash jusqu’aux contemporains, se sont interrogés sur la smih’out –la juxtaposition- de ces deux textes.

    Comme chacun sait, l’ordre de la Torah écrite n’est pas dicté par des impératifs chronologiques, ce qui invite les Rabbins à s’interroger sur l’ordre effectivement choisi pour le texte Biblique dès qu’une interprétation est possible ; cette méthode s’appelle « doresh sim’houyot » -littéralement : « interpréter les juxtapositions »-.

    Le Netsiv, lui aussi dans le commentaire de cette semaine, s’attaque à cette question.

    Comme nous l’a exposé, Esther la semaine dernière, la motivation des 250 hommes accompagnant Korah’ dans sa révolte était bien différente que celle de ce dernier : animes par une « soif mystique », ils étaient prêts à mourir pour gouter le temps d’un éphémère instant l’intensité du travail sacerdotal.

    Nous l’avons dit, notre Parasha suit celle de Korah’. Le Netsiv nous donne son interprétation de cette juxtaposition. La vache rousse, explique le Netsiv, était là pour nous permettre de vivre en état de pureté ; et le Netsiv insiste : la vache rousse ne nous fait pas atteindre un état de sainteté. La sainteté ne saurait être le résultat d’une simple aspersion ; il n’y a pas de raccourcis de ce genre dans la Torah ! Dès lors, nous dit le Netsiv, la juxtaposition est claire lorsque nous avons en tête quelle était la faute des deux cent cinquante hommes : l’extase d’un moment, une sainteté simple résultante d’une aspersion, voilà autant de raccourcis qui ne sauraient être authentiques !

    Le Netsiv continue son commentaire en donnant un éclairage nouveau à une loi -quelque peu étrange- concernant la vache rousse. Pour cela, il nous faut introduire –brièvement- une notion dans les alah’ots concernant le Temple. Certaines actions dans le Temple ne pouvaient être accomplies par un prêtre s’étant purifié le jour même ; il lui était nécessaire d’attendre vingt-quatre heures après la purification pour reprendre le service. Cette interdiction porte le terme technique de Tvoul yom (littéralement « qui s’est immergé –dans le bain rituel- le jour même »).

    La Torah enseigne que toutes les actions concernant la vache rousse pouvaient être accomplies par un prêtre s’étant purifié le jour même. Or, le Talmud nous enseigne par ailleurs un décret Rabbinique qui peut paraître étrange : la préparation de la vache rousse devait être faite par un prêtre s’étant purifié le jour même (c’est à dire, n’ayant attendu vingt-quatre heures depuis sa purification). Ce décret entraîna la pratique qui consistait à rendre impur, consciemment, le prêtre le jour de la vache rousse, afin que ce dernier travaille en étant tvoul yom. La Tossefta va plus loin, en racontant, qu’un jour, un Prêtre –saducéen- ayant attendu vingt-quatre heures avant de préparer la vache rousse, les Sages du Sanhédrin ordonnèrent de jeter les cendres ! Lorsque l’on connaît la difficulté que consistait à trouver une vache totalement rousse et le prix que cela coûtait, on est d’autant plus impressionnés de cet ordre !

    Le Netsiv explique pourquoi tant d’attention était apportée à ce que la vache rousse soit préparée par un tvoul yom. Les saducéens, explique-t-il, voyaient en la vache rousse, non pas un moyen de pureté, mais un moyen de sainteté. En réaction, les Sages du Talmud instituèrent des lois autour de la vache rousse visant à réduire son aspect saint, limitant les obligations à ce qui était uniquement ordonné par la Torah. C’est la peur des raccourcis mystiques qui motivaient ces Rabbins lorsqu’ils firent ces décrets.

    Le long de ces deux parashiot, nous trouvons, donc, un même fil conducteur dans le commentaire du Netziv. L’extase mystique d’un moment, la sainteté obtenue par des raccourcis rituels, autant de pratiques tentantes mais peu authentiques.

    Benjamin Sznajder

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

    * Texte :

    העמק דבר במדבר פרק יט פסוק א
    (א) וידבר ה' וגו'. הן ברור שפרשת פרה נאמרה מכבר, שהרי בטהרת הלוים כתיב הזה עליהם מי חטאת, ותניא בסדר עולם בראשון בחודש ניסן הוקם המשכן בשני נשרפה הפרה, ואם כן למה נכתבה כאן, כבר אמרו במסכת מועד קטן דף כ"ח א' למה נסמכה פרשת פרה למיתת מרים לומר כשם שפרה מכפרת כך מיתת מרים מכפרת. אמנם אמרו עוד במדרש רבה ויקרא פרשה כ"ה מיוסדים על אדני פז אלו פרשיותיה של תורה שהן נדרשות לפניהם ולאחריהם, אם כן יש לבאר הסמיכות פרשת פרה לפרשת קרח. והענין כבר ביארנו בפרשת קרח, שהר"ן איש חטאו במה שרצו להתקדש יותר מגבול שגבלה להם התורה, ומזה הגיעו להריסות התורה ועשו מחלוקת בישראל, וסמוך ענין לה עסק פרה שאינה אלא לטהרה ולא לקדושה, ומשום הכי כשר בה טבול יום ואונן כאשר יבואר לפנינו, והצדוקין לא הודו לזה והשתדלו לעשותה במעורבי שמש, והקפידו חכמים על זה עד שפעם אחת נעשית במעורבי שמש ונפסלה ושפכו את העפר כדתניא בתוספתא דפרה, ואמרו שם הטעם שלא יוציאו לעז על הראשונות, והטעם הלז אינו מספיק כל כך בדבר הזה שלא נעשה אלא בגדולים ואחת בכמה שנים, אלא היה בזה עוד טעם כמוס דבש וחלב תחת לשונם, והיינו משום שהצדוקי רצה להנהיג קדושה בענין שאינו אלא טהרה, וזהו הריסות הליכות הדת בכמה ענינים שבתורה, על כן נכתבה סמוך לפרשת קרח: 

  • La Parasha d'après le Netsiv - Kora'h

    • Le 04/07/2016

    *Cycle : la Parasha selon le Nétisv

     

    Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

     

    Un amour déplacé

     

    Bien après le don de la Torah et une fois la prophétie de Moshé reconnue à l’unanimité, l’épisode de Kora’h vient semer le trouble au sein du peuple. Kora’h, Datan et Aviram ainsi que 250 hommes de renom se réunissent contre Moshé et Aharon afin de manifester pour une sorte de démocratisation du service au Mishkan. Moshé préconise à Kora’h et ses 250 hommes de préparer des encens. Datan et Aviram ne sont alors pas concernés. Ensuite, Kora’h subit la même peine que ses deux confrères, Datan et Aviram, et meurt englouti par la terre. Les 250 hommes, quant à eux, sont consumés par le feu divin tout droit sorti du Kodesh Hakodashim, suite à la préparation de l’encens.

    D’après le Netsiv[1], la différence de scénarios qui distingue à la fois Kora’h, Datan et Aviram, et les 250 hommes, laisse penser que les intentions de chacun étaient différentes, et que leur manifestation commune contre Moshé et Aharon divergeait à l’origine. L’apparition de Datan et Aviram n’est pas surprenante dans cet épisode. Depuis l’Égypte, lorsqu’il s’agit de semer des embûches contre Moshé et le peuple, ces deux personnages sont impliqués de près ou de loin[2]. Ils sont clairement remontés contre Moshé et Aharon. Pas d’encens en jeu, ils meurent avalés par l’abîme.

    Le Netsiv compare le point de vue des 250 hommes à celui du Nazir décrit un peu plus tôt dans le livre de Bamidbar[3]. Ceux-ci ont fait preuve d’excès de zèle au même titre que le Nazir qui, voulant se rapprocher du divin, se prive de vin, ne se rase plus, mais qui doit apporter un sacrifice expiatoire à la fin de sa période d’abstinence. Profondément désireux de participer au service sacerdotal dont le point d’orgue est l’encens brûlé dans le Kodesh Hakodashim, ces 250 hommes ont aspiré à un niveau qui leur était inaccessible. Ils n’avaient pas de doute sur la véracité de la prophétie de Moshé, sur l’intégrité de la Torah. Mais la décision divine les privant du service au Mishkan les frustrait. “Pourquoi le Cohen peut-il profiter de cette proximité avec D. et pas moi?”. Lorsque plus tard, Moshé leur demande de préparer les encens, les 250 hommes les brûlent, sans que ceci ne leur ait été précisé[4]. Trop d’enthousiasme les a fait faillir et mourir comme Nadav et Avihou, consumés par le feu divin.

    L’intention de Kora’h, quant à elle, est ambigüe et peu claire. Sa position de Levi lui permet de revendiquer l’égalité des Bnei Israël face au service et de contrer sa propre tribu dont l’un des rôles était de veiller à ce qu’aucun étranger au service ne brûle les sacrifices[5]. D’un autre côté, sa mort identique à celle de Datan et Aviram dévoile la profondeur de sa pensée: elle n’était pas aussi noble que celle des 250 hommes qu’il venait représenter auprès de Moshé et Aharon.

    L’erreur des 250 hommes semble être la moins flagrante, la plus complexe. Le Netsiv répète à plusieurs reprises qu’il s’agissait de sages, qu’ils ne couraient après aucun honneur, que leur intention était leshem shamayim, que c’est leur amour pour le divin qui les a perdus. En quoi cette erreur était-elle fatale? Quel était le biais de leur raisonnement? Depuis quand l’excès d’amour pour D. est-il répréhensible?

    Il ne s’agissait pas d’un amour excessif, en réalité, mais d’un amour inapproprié. À tel point qu’ils en ont oublié l’Autre. Ils se sont imaginés servir D. comme eux voulaient Le servir, en oubliant Son injonction originelle, à savoir l’élection des Cohanim comme seuls aptes à brûler l’encens au Mishkan. Leur service devait passer par autre chose que le service du Mishkan, mais ils s’y sont projetés. Un peu comme cette “identification projective” dont on parle en psychologie: ils ont projeté leur propre idéal de relation, en occultant ce qu’en attendait D.

    Ce biais est extrêmement difficile à éviter. On est naturellement amenés à nous résoudre à notre propre perception de la vérité, à approcher le divin selon l’idée qu’on s’en fait. Comment L’envisager de manière absolue sans pour autant s’oublier? Comment Le servir comme Il le désire tout en restant nous-mêmes, Cohen, non Cohen? L’exemple de ces 250 hommes nous rappelle la complexité de cet enjeu, et si la flamme divine a eu raison de leur erreur, le respect que leur a témoigné D. à travers leur mort nuance les stéréotypes du bien et du mal et l’évidence de la faute.

    ESTHER

    * R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)


    [1] Commentaire disponible sur : http://www.sefaria.org/Haamek_Davar_on_Numbers.16.1?lang=en

    [2] Shémot 2:13 et Rashi sur place (ils ont dénoncé Moshé après qu’il ait tué l’Égyptien). Shémot 14:9-12 et Midrash sur place (ils ont cherché à convaincre Israël de retourner en Égypte lorsque le peuple s’est retrouvé encerclé entre la Mer et l’armée Égyptienne). Shémot 16:19-25 (ils ont fait des réserves de Manne alors que Moshé leur avait expressément dit qu’il fallait en cueillir pour le jour-même). Les Sages relatent de nombreux autres épisodes pétillants à leur sujet.

    [3] Bamidbar 6:1-21

    [4] Commentaire du Netsiv sur Bamidbar 16:17.

    [5] Netsiv sur Bamidbar 16:1.