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Projet Ramban : Tazria
- Le 05/04/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Ramban continuateur de Rabbi Yéhouda Halévy.
Sur la tsaraat.
Quant à la nature des plaies –tsaraat- dont il est question dans la Torah, deux écoles d’interprétation s’affrontent : ces plaies sont-elles ‘naturelles’[i] ou ‘miraculeuses’[ii] ? Les deux écoles semblent admettre que toute maladie est liée à une faute. C’est pourquoi la disparition de ces plaies donne lieu à des sacrifices. Comment alors comprendre ce débat ?
Comme personne ne sait tout à fait identifier ce que sont ces plaies, la voie interprétative est libre : selon son idéologie on pourra prendre telle option. Ramban[iii] opte pour un caractère miraculeux de ces plaies. Pour cela il se fait l’élève de Rabbi Yéhouda Halévy dont il reprend –presque mot à mot[iv] le commentaire, mais sans le citer-. Il affirme que les plaies sont liées à un retrait[v] de la présence divine. Ce retrait laisse une trace sous forme de tache. Indiquant à la personne qui s’estimerait innocente, la nécessité de faire un bilan personnel.
Pourtant Ramban va apporter une nuance à cette démarche : en tant qu’au prise avec le texte et s’adressant des lettrés juifs, il ne peut se contenter de généralité sur « la religion méprisée ». Les ‘plaies des maisons’ sont introduites ainsi : ‘et Je mettrai une plaie dans la terre de votre héritage’[vi] ; le Ramban y voit que les plaies sont dirigées par Quelqu’un pour quelqu’un ; il s’agit donc d’un message adressé. Or c’est seulement en Israël qu’une telle modalité est possible : c’est seulement en Terre sainte que le manque de moralité se traduit par un effet concret. Dans d’autres territoires, une telle plaie n’existe tout simplement pas. Dans les autres pays, Dieu n’est pas assez présent pour que son absence soit signée d’une marque. Comme le dit le Kouzari les plaies sur « les vêtements et les maisons sont une des manifestations de la présence divine ». Et pour le Ramban, cette manifestation ne peut se produire que dans la terre élue : Rabbi Yéhouda Halévy ne récuserait pas cette interprétation. Ainsi lorsqu’un texte[vii] indique que « les plaies des maisons ne peuvent être considérées comme source d’impureté si elles se produisent durant la phase de conquête de la terre », il ne s’agit pas d’une loi, mais bien d’un fait : « il n’est pas possible que des plaies surgissent à ce moment, car l’esprit des hommes n’est pas disponible au divin pour permettre sa Présence ». Cette langue n’est pas courante, la plupart du temps, les versets sont interprétés d’une façon juridique et non factuelle.
Fort de cette remarque, Ramban est prêt à dire (malgré l’absence de preuve textuelle directe) qu’il faut étendre cette réflexion aux plaies des vêtements comme l’affirmait le Kouzari. En effet, nul verset ne permet d’affirmer que les plaies des vêtements ne se sont jamais produites qu’en terre d’Israël ; mais le simple fait de passer sous silence la localisation géographique des plaies des vêtements suffit à notre auteur pour prétendre qu’elles n’eurent effectivement lieu qu’en terre sainte ; la langue du verset est factuelle, or le fait est que jamais il ne s’est présenté de plaie des vêtements hors d’Israël, donc pas besoin d’en parler. Pourtant le verset insiste pour les plaies des maisons sur le fait qu’elle ne peut se produire que dans la ‘terre de votre héritage’, alors pourquoi ne pas user du même procédé pour les plaies des vêtements ? Notre auteur remarque une insistance dans la description des plaies des vêtements : « le vêtement, ou la peau qui aurait dans sa trame ou sa chaine une plaie »[viii] est répétée plusieurs fois, comme s’il fallait insister pour bien marquer les esprits d’une telle possibilité. Ainsi le géronais va prêter main forte à Rabbi Yéhouda Halévy avec toutes les ressources possibles du texte.
La connaissance des lois des plaies s’identifie ainsi à distinguer ce qui relève de la maladie et ce qui relève d’un message adressé. Diagnostiquer une « plaie », c’est renvoyer l’homme à son for intérieur, sans échappatoire. Si l’on suit l’opinion que les plaies peuvent aussi exister en tant que simples maladies, une échappatoire est laissée à l’homme qui peut se dire « ce n’est rien », maintenant ainsi toujours ouvert le choix de ne pas écouter le message. Par contre, si comme Ramban, on admet qu’il s’agit d’un miracle, cela suppose un interventionnisme explicite du divin dans le monde des hommes. Et devant cette conséquence, le géronais ne reculera pas : il dira la même chose concernant la femme ‘sota’. Pour autant cette immixtion du divin dans le monde humain, compris comme un privilège, ne sera pas perçue comme une violation du territoire humain que si l’homme est prédisposé à une telle grandeur : en Israël, une fois réglée la question territoriale.
Franck Benhamou
[i] Ibn Ezra, Guersonide, Abravanel.
[ii] Maïmonide, Rabbi Yéhouda Halévy, et plus tard Sforno.
[iii] Voir commentaire sur Vayikra 13.47 et 13.52. Nous commentons surtout le premier passage.
[iv] Voir Le Kuzari 2.62, mais aussi 2.58, p.75 de l’édition Verdier.
[v] Il emploie le mot ‘contraction’ de la présence, mot qui n’est pas rapporté par Ramban.
[vi] Vayikra 14.34.
[vii] Torat Cohanim Métsora 5.3.
[viii] 13.47 ; 13.51 ;13.53 ; 13.56 et 13.58.
רמב"ן ויקרא פרק יג (מז)
והבגד כי יהיה בו נגע צרעת - זה איננו בטבע כלל ולא הווה בעולם, וכן נגעי הבתים, אבל בהיות ישראל שלמים לה' יהיה רוח השם עליהם תמיד להעמיד גופם ובגדיהם ובתיהם במראה טוב, וכאשר יקרה באחד מהם חטא ועון יתהוה כיעור בבשרו או בבגדו או בביתו, להראות כי השם סר מעליו. ולכך אמר הכתוב (להלן יד לד) ונתתי נגע צרעת בבית ארץ אחוזתכם, כי היא מכת השם בבית ההוא. והנה איננו נוהג אלא בארץ שהיא נחלת ה', כמו שאמר (שם) כי תבאו אל ארץ כנען אשר אני נותן לכם לאחוזה, ואין הדבר מפני היותו חובת קרקע, אבל מפני שלא יבא הענין ההוא אלא בארץ הנבחרת אשר השם הנכבד שוכן בתוכה:
ובתורת כהנים (מצורע פרשה ה ג) דרשו עוד, שאין הבית מטמא אלא אחר כבוש וחלוק, ושיהא כל אחד ואחד מכיר את שלו. והטעם, כי אז נתישבה דעתם עליהם לדעת את ה' ותשרה שכינה בתוכם. וכן אני חושב בנגעי הבגדים שלא ינהגו אלא בארץ, ולא הוצרך למעט מהן חוצה לארץ כי לא יארעו שם לעולם. ומפני זה עוד אינם נוהגים אלא בבגדים לבנים לא בצבועים, כי אולי הצבע הוציא הכיעור ההוא במקום ההוא כטבעו ולא אצבע אלהים היא, ולפיכך הצבועים בידי שמים מטמאין כדברי רבי שמעון (נגעים פי"א מ"ג):
ועל דרך הפשט, מפני זה יחזירו הכתוב בכל פסוק ופסוק "הבגד או העור או השתי והערב", כי הדבר נס. ולרבותינו בהם מדרשים וכולם בתורת כהנים:
רמב"ן ויקרא פרק יד (לד) אמר הכתוב בנגעי הבתים ונתתי נגע צרעת - לרמוז כי יד ה' תעשה זאת, לא טבע כלל, כמו שפירשתי (לעיל יג מז):
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Shémini : les sacrifices et le veau d'or
- Le 29/03/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Les sacrifices et le veau d’or
Il est communément accepté – et à juste titre – que Nahmanide et Maimonide s’opposent sur le sens des sacrifices; il est habituellement dit que ce dernier considère les sacrifices comme une concession faite aux cultes idolâtres environnants, tandis que Nahmanide y voit un a priori, un idéal.
Dans le commentaire de notre parasha, cette dichotomie trop simple est quelque peu secouée. De par le choix que Nachmanide fait de certains midrashim, et plus encore, par l’exégèse qu’il en donne, une image plus complexe en ressort.
Le verset IX,7-8 décrit Moshe appelant Aaron à faire les sacrifices sur l’autel. Sur ce verset, Nachmanide cite un Midrash étonnant : Aaron n’osait s’approcher de l’autel ; celui-ci lui apparaissait comme un taureau[1]. Voyant son frère hésiter, Moshe l’engagea à avancer : « Je sais ce dont tu as peur, mais ne crains rien et accomplis les sacrifices demandés »
L’image du taureau est éloquente et Nachmanide nomme clairement le problème : Aaron est hanté par « la » faute de sa vie – avoir été complice (ou peut être même plus) de la faute du veau d’or.
Cette faute qui hante l’esprit d’Aaron l’empêche de s’atteler à la tâche des sacrifices. Pourquoi ? La première explication donnée par le Ramban est générale : Aaron ne se sent pas à la hauteur d’un tel honneur – la culpabilité le poursuit et il ne se voit pas être le prêtre envoyé par les enfants d’Israël… Premiere explication…
Mais y aurait-il un lien entre le veau d’or et les sacrifices ? La tentation d’en voir est grande et le Ramban le dit même dans sa seconde explication.
« Et certains commentent » , commence-t-il, « que le Satan lui-même faisait apparaitre ce taureau à Aaron ». Cela ne serait plus une simple culpabilité, un sentiment de ne pas être à la hauteur. Mais, une autre crainte hante Aaron : ce qu’on demande de lui ressemble étrangement à ce qu’il regrette – la faute du veau d’or, la faute de l’idolâtrie !
Le Ramban continue : voyant son frère hésiter, Moshe lui dit « à toi de nourrir le Satan, de peur qu’il te fasse trébucher » . Que veut dire le Ramban en parlant de nourrir le Satan (ou peut être lui remplir la bouche pour le faire taire ?) . Il semble qu’il fait ici allusion à un des passages bien mystérieux de son commentaire – les fameux seirim, démons qui habitent le désert, et qui portent le même nom que le seir, le bouc que l’on sacrifie au Azazel le jour de Kippour[2].
Laissons de cote cette dernière phrase, clairement trop ésotérique pour nous, et reprenons ce second commentaire… Ce que le Ramban nous dit, c’est qu’il y a une crainte qui nous habitent lorsque nous appréhendons les sacrifices : cela rappelle à Aaron le veau d’or et, nous, cela nous crée un certain malaise dû à une trop grande analogie avec l’idolâtrie.
Nahmanide a commencé son commentaire sur le Lévitique en s’opposant nommément à la position de Maimonide sur les sacrifices[3]. Dans notre parasha, il ressort que le Ramban n’ignore pas le problème soulevé par Maimonide ; il nomme en filigrane (ou peut être meme, très explicitement) le problème : ce malaise de Aaron – qui est d’une certaine manière notre malaise à tous – face aux sacrifices qui ne peuvent pas ne pas nous rappeler d’autres pratiques…
Benjamin Sznajder
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן ויקרא פרק ט פסוק ז
(ז - ח) וטעם קרב אל המזבח, ויקרב אהרן אל המזבח וישחט - על דעתי בדרך הפשט, יאמר קרב אל צפון המזבח ועשה שם החטאת והעולה, כי הם שחיטתן בצפון, ואמר משה כן בדרך קצרה שכבר ידע אהרן זה:
אבל בת"כ (שמיני מלואים ח) נתעוררו רבותינו בזה, ומשלו משל למה הדבר דומה, למלך בשר ודם שנשא אשה והיתה מתביישת מלפניו, נכנסה אצלה אחותה, אמרה לה, אחותי למה נכנסת לדבר זה לא שתשמשי את המלך, הגיסי דעתך ובואי שמשי את המלך. כך אמר לו משה לאהרן, אהרן אחי למה נבחרת להיות כהן גדול לא שתשרת לפני המקום, הגס דעתך ובוא ועבוד עבודתך. ויש אומרים, היה אהרן רואה את המזבח כתבנית שור והיה מתירא ממנו, נכנס משה אצלו אמר לו אהרן אחי לא תירא ממה שאתה מתירא, הגס דעתך ובא קרב אליו, לכך אמר קרב אל המזבח. ויקרב אל המזבח, בזריזות:
וטעם דבר זה, כי בעבור שהיה אהרן קדוש ה' ואין בנפשו חטא זולתי מעשה העגל, היה החטא ההוא קבוע לו במחשבתו, כענין שנאמר (תהלים נא ה) וחטאתי נגדי תמיד, והיה נדמה לו כאילו צורת העגל שם מעכב בכפרותיו, ולכך אמר לו הגס דעתך, שלא יהיה שפל רוח כל כך שכבר רצה אלהים את מעשיו. ואחרים מפרשים שהיה השטן מראה לו כן, כמו שאמרו שם, אהרן אחי אף על פי שנתרצה המקום לכפר עונותיך צריך אתה ליתן לתוך פיו של שטן שמא ישטינך בביאתך למקדש וכו' בתורת כהנים (שמיני מלואים ג):
וטעם וכפר בעדך ובעד העם - יאמר קרב אל המזבח לעשות כל הקרבנות, ועשה תחילה את חטאתך ואת עולתך, וכפר בעדך תחילה בקרבנותיך, ובעד העם אחרי כן, שתעשה קרבן העם וכפר בעדם בקרבנם, לימד אותו שיבא זכאי ויכפר על החייב:
[1] L’analogie entre l’autel et le taureau est patente , meme dans les termes employes : on parle de karnot hamizbeah’ - des cornes de l’autel pour désigner ses quatre cotes.
[2] Vayikra, XVII, 7 – commentaire du Ramban
[3] Vayikra I, 9 – commentaire du Ramban
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Tsav : du discret au continu
- Le 19/03/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Tsav, du discret et du continu.
Nul ne se rappelle le contenu de la Paracha de Tsav. Engloutie dans le flot continu des lois relatives aux sacrifices qui agite le livre de Vayikra.
Certes on se rappelle du premier Rachi : « Le mot tsav (« ordonne ») implique toujours une idée de zèle, pour maintenant et pour les générations à venir. Rabi Chim‘on a enseigné : Le texte incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte d’argent ». Au moment où le texte y est dit à Moïse, le Temple n’est pas encore érigé : le mot maintenant tombe à plat ! Pourquoi ne pas avoir utilisé ce terme dès le début du livre de Vayikra puisque l’on y parle d’animaux qu’on apporte sur ses propres deniers ? Rachi s’est contenté de recopier un commentaire antérieur sans y ajouter plus de précision.
Ramban commence son commentaire par une remarque. L’ordre inaugurant le texte est adressé aux cohanim : « Ordonne à Aaron et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l'holocauste. C'est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l'autel, toute la nuit jusqu'au matin ; le feu de l'autel y doit brûler de même. » Alors que la paracha précédente était un ordre adressé aux enfants d’Israël. Il explique « car on va parler ici des gestes sacrificiels, et ceux sont les cohanim qui devront les exécuter ». Cette lecture oriente ainsi toute la paracha : alors que la section précédente consistait à insister sur la dimension volontaire et généreuse des sacrifices, marqués par des formules décrivant la générosité (« un homme qui apportera… »), ici on va parler technique. Pourtant on y trouve aussi des sacrifices obligatoires comme ceux qui viennent suite à un manquement, qui ne relèvent donc pas de la générosité. De même que dans Vayikra aussi on parle de gestes précis Il faut donc aller plus loin pour distinguer les objectifs de la paracha de Vayikra et de celle de Tsav.
Et c’est précisément l’objet de la suite du commentaire du Ramban qui questionne l’explication donné par Rachi du terme ‘Tsav’.
Fort de sa remarque (on s’adresse aux cohanim), il questionne Rachi : puisque le verset s’adresse au cohanim, comment se pourrait-il qu’il y ait un risque de perte d’argent, alors que ceux-ci ne sont que de simples exécutants des sacrifices appartenant aux enfants d’Israël ? Selon lui le texte apporté par Rachi ne vient pas donner une clé de lecture mais des possibilités de lecture : le terme ‘ordre’ est employé soit pour indiquer une injonction immédiate, soit pour indiquer que l’injonction est permanente, soit pour encourager dès lors qu’il y a des dépenses à faire pour l’accomplissement.
Le Ramban laisse au lecteur le soin de continuer le commentaire en choisissant lui-même la case qui convient. Le commandement en question n’étant pas immédiat, et précisant dans sa question que les cohanim n’ont pas de perte d’argent, ne reste que la troisième option : le commandement est perpétuel. Cette remarque éclaire l’ensemble de la paracha. En effet, si celle-ci s’oppose à celle de Vayikra ce n’est parce que la première serait placée sous le sceau du volontarisme –nous avons vu que c’était faux- mais parce que la paracha de Tsav vise une dimension de continuité du service divin. En effet, que ce soit des sacrifices volontaires ou liés à une faute, ceux-ci restent ponctuels, liés à tel ou tel évènement de la vie. Dans la paracha de Tsav, ce qui est en jeu c’est une présence perpétuelle au Temple. Or c’est exactement le thème du début du texte : un feu doit y demeurer perpétuellement. Les images se bousculent : que serait-une maison où le feu s’éteindrait la nuit venue ? Que serait un Temple qui ne vivrait qu’au grès des passages aléatoires des fidèles ? Ainsi, les prêtres ont une obligation de mettre suffisamment de bois pour que ce feu soit constamment allumé. L’évacuation des cendres n’est pas –comme le voudrait Rachi- une simple nécessité technique, elle doit se faire dans les habits officiels de prêtrise : c’est que ce travail montre que le Temple fonctionne, qu’une présence y est assurée, on ne le laisse pas à l’abandon. On trouvera de nombreuses autres explications de notre auteur qui roulent sur ce thème. Mais c’est la structure même de la paracha qui y invite, puisque s’y intercale les sacrifices d’intronisation des prêtres qui sont le symbole même de cette présence perpétuelle. Son ordre même participe de ce principe.
Qu’on me permette ici un écart. Pour nous modernes, pas de sacrifices ou de feu qui brûle constamment. Mais il me semble que l’opposition pointée par Ramban trouve un écho assez simple dans nos vies : on distingue deux types de croyants ceux qui entrent dans la routine de la pratique et ceux qui préfèrent se réserver aux ‘grands moments’. Ces deux façons de vie religieuse sont en principe tout à fait compatibles, mais l’on se rend compte qu’en pratique les deux types de personnes décrites sont souvent différents. Les unes se méfiant des ‘grands moments’ et les autres se méfiant de la routine. Le texte de la Torah me semble-t-il reconnait cette différence, et confie la ‘avoda’ (le service) à une caste, de tel sorte que le Temple semble étranger à celui qui apporte un sacrifice ponctuellement. Mais simultanément, le ‘grand moment’ ne se perdrait-il pas dans une gestuelle sacrificatoire ?
Franck Benhamou.
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן ויקרא פרק ו
(ב) אמר הכתוב בפרשת ויקרא (לעיל א ב) דבר אל בני ישראל, כי שם יצוה בהבאת הקרבנות, וישראל מביאים אותם, וכאן אמר "צו את אהרן", כי ידבר במעשה הקרבנות, והכהנים יעשו אותם:
וכתב רש"י אין צו אלא זרוז מיד ולדורות. אמר רבי שמעון ביותר היה צריך הכתוב לזרז במקום שיש בו חסרון כיס. ומדרשו של רבי שמעון (תורת כהנים ריש הפרשה) אינו על זו הצואה, כי כאן אין בו חסרון כיס לבני אהרן המצווים בה, אבל יש להם ריוח ושכר בכל הקרבנות, גם בעולה. אבל אמר תנא קמא אין צו אלא זירוז מיד ולדורות, לומר שהפרשיות שירצה הכתוב לזרז בהם ולומר שיעשה מיד וינהג הדבר לדורות יאמר בהן צו, ובשאר הפרשיות יאמר דבר אל בני ישראל או אמור להם, ובא רבי שמעון לחלוק ולומר שפעמים יבא הלשון הזה בדבר שאינו מיד ולדורות בעבור שיש בו חסרון כיס, כגון הצואה האמורה בשמן המאור (להלן כד ב), וכגון שאמר הכתוב (במדבר לה ב) צו את בני ישראל ונתנו ללוים ערים לשבת. ויתכן שנאמר שיש בצו זה חסרון כיס לכהנים בעבור "זה קרבן אהרן ובניו" (פסוק יג) הנמשך בצואה זו. אבל בתחלת ספרי (נשא א) בענין מחלוקת היא שנויה שם:
רמב"ן ויקרא פרק ו
ואש המזבח תוקד בו - יאמר שתוקד במזבח כל הלילה, כי מצוה שישימו ביום עצים הרבה כדי שלא יתאכלו לגמרי ויכבה האש ממנו. ולפי דעתי, מה שאמר (פסוק ו) אש תמיד תוקד על המזבח לא תכבה, מצוה לכהנים בקיום האש, כמו שאמר (פסוק ה) ובער עליה הכהן עצים, וצוה שיזהרו בזה ויערכו אש ועצים הרבה שתוקד האש תמיד כל היום וכל הלילה, והזהיר בלאו שלא תכבה לעולם. והנה אם נתעצלו הכהנים וכבתה האש עברו בלאו, ומפני זה אמרו רבותינו (יומא מה ב) שהיתה מערכה שניה לקיום האש
רמב"ן ויקרא פרק ו
(ג) ולבש הכהן מדו בד - היא הכתונת, ומה תלמוד לומר מדו, שתהא כמדתו. "על בשרו", שלא יהא דבר חוצץ בינתיים. לשון רש"י:
והנה תרומת הדשן צריכה בגדי כהונה, ואין עבודה בשני הבגדים מהם. אבל הזכיר אלה השנים לדבר שנתחדש בהם כאן. לומר שתהא הכתונת כמדתו, והענין לומר שאם היו מסולקין [או] קצרים ואינן מגיעין עד רגליו, ועבד בהן עבודתו פסולה. ולמד שלא יהא בינו ולא בין המכנסים לבשרו כלום. והוא הדין שצריכה כל בגדי כהונה, כי כיון שהזכיר הכתוב שהיא צריכה בגדים למדנו שהיא צריכה ארבעה להדיוט ושמנה לכהן גדול
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Pourim et l'antisémitisme
- Le 15/03/2019
L’histoire de Pourim :
Des indices pour analyser l’antisémitisme
L’histoire de la Méguilate-Esther -que nous lisons à Pourim- est édifiante :
Tous les habitants du royaume sont invités au festin du roi A’hashvérosh. Les habitants juifs de la capitale le sont également, ce qui démontre d’une certaine manière leur bonne intégration à la société dans laquelle ils évoluent. Et voilà que quelques-temps plus tard, un sinistre ministre -Haman- excite la colère du roi à l’encontre de ce peuple, qu’il présente comme trop particulariste pour prétendre avoir sa place dans le royaume. Sa solution est radicale : tous les juifs doivent disparaître car ils n’apportent rien à la société ! Quelle consternation pour la communauté juive de l’empire qui se croyait pleinement acceptée… La raison de toute cette haine ? Un autre ministre de rang inférieur -Mordekhaï- refuse de s’agenouiller devant lui. Qui est donc cet impertinent, et pour quelle raison se permet-il une telle attitude irrespectueuse ? Mordekhaï est juif. Pour Haman, il n’y a pas de doute permis : c’est sa religion qui est la cause de ce manque de respect ! Les Sages du Midrash lui donnent d’une certaine manière raison, en supposant qu’il marchait avec une idole autour du cou. Or, ministre ou pas, hors de question pour un juif de se prosterner devant un reliquat d’idolâtrie !
Ce serait donc le judaïsme lui-même qui dérange Haman : Lui l’ambitieux ne peut supporter l’idée qu’une aspiration spirituelle entraîne une violation des règles du pouvoir.
En réalité, les juifs respectent évidemment la loi du royaume, tant que celle-ci n’empêche pas la pratique des lois de la Torah. Certes. Mais ce qui l’enrage est la transgression d’un protocole social non-obligatoire en tant que tel. Comment prétendre vouloir s’élever dans l’échelle sociale sans se prosterner devant ses supérieurs ? Une telle chose est inconcevable pour Haman : ce ne sont pas aux juifs en tant qu’individus à qui il en veut, mais aux juifs en tant que serviteurs d’un système qui va à l’encontre de sa manière de voir le monde.
La littérature rabbinique enseigne par ailleurs que deux raisons ‘cachées’ ont provoqué le décret d’extermination promulgué par Haman : la prosternation d’une partie du peuple à une idole quelques années auparavant ; et la participation des contemporains juifs de Mordekhaï au festin d’A’hashvérosh. Comment concilier cet enseignement avec notre analyse des motivations d’Haman ?
C’est que ces raisons sont complémentaires : la soumission à l’idole montrait une volonté de se rapprocher davantage des coutumes locales que de la Torah. La participation des juifs au festin en tant que ‘simples’ citoyens était également mue par un désir -probablement refoulé- de s’affranchir à terme des lois de la Torah afin de s’assimiler pleinement à la société civile.
L’antisémite Haman est troublé par cette contradiction. C’est ce qui provoque sa tentative de se débarrasser une bonne fois pour toutes du peuple juif : D’un côté certains juifs obéissent à des lois très strictes et portent une vision idéaliste de la vie fondée sur la Torah. D’un autre côté, d’autres juifs sont bien moins scrupuleux et se complaisent dans un mode de vie fondamentalement laïc. Or pour l’antisémite, le peuple juif est un tout indivisible : comment peut-il alors proclamer une vérité spécifique tout en tentant d’imiter les autres peuples ?! Cette idée est pour lui intolérable.
A partir du moment où tous les juifs vont s’unir sous la direction d’Esther et de Mordekhaï, en affirmant pleinement leur judaïsme par la prière et le jeune, le sort (pour[im]) va alors tourner. L’incohérence fait désormais partie du passé, l’antisémitisme n’a plus de raison d’être, le peuple juif resplendit et le Nom de D.ieu est glorifié.
Yona GHERTMAN
*Billet publié dans l'hebdomadaire 'Actualité juive'; Mars 2019
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Pékoudei - projet Ramban
- Le 07/03/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Paracha Pékoudei : Respect et distance
Le Ramban nous spécifie que Moshe ne pouvait accéder au Mishkan. En effet, « l’honneur de D… remplissait tout l’espace du Mishkan, car l’honneur est dans la nuée qui se trouve dans le Mishkan ». De quel honneur parle-t’on et comment une notion peut-elle combler un espace ?
Le Rambam dans le Guide des égarés chapitre 47, développe la notion suivante : lorsqu’un homme côtoie fréquemment un objet respectable, l’effet produit sur lui se réduit et l’impression reçue perd de sa valeur au fil du temps.
Il lie cette idée avec le fait qu’il était extrêmement difficile pour un homme de se rendre au Bet Hamikdash. Et pour cause, en tenant compte de la multitude d’impuretés pouvant toucher un homme, et du long processus de purification à effectuer, tous ces éléments permettaient de mettre une importante distance entre les hommes et le Bet Hamikdash. D’y accéder pouvait même relever du défi de toutes une vie.
D’après le Ramban il est nécessaire d’introduire la notion de respect pour atteindre l’essence d’un lieu tel que le Mishkan. Ce respect ne peut être atteint qu’en imposant des mesures de distances extrêmes. L’accès au Mishkan se fit graduellement : inaccessible à tout homme, puis Moshé uniquement sous réserve d’y être appelé, enfin Aharon et les Cohanim eurent l’autorisation d’entamer la Avoda. Pour conserver le respect de ce lieu, il est nécessaire d’établir un équilibre entre distance et éventuelle proximité. L’érection du Mishkan fut le moment le plus sensible de l’Histoire pour sceller la relation qu’entretiendra le peuple envers le Mishkan, puis plus tard envers le Bet Hamikdash, il était donc indispensable d’y imposer une conduite à tenir.
Koren Assouline
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : cf. notes
רמב״ן – פרק מ פסוק לד "ויכס הענן את אהל מועד" -
אמר כי הענן יכסה את האהל מכל צד והוא מכוסה וטמון בו וכבוד ה' מלא את המשכן כי תוכו מלא הכבוד כי הכבוד שוכן בתוך הענן תוך המשכן כענין שנאמר בהר סיני (לעיל כ כא) אל הערפל אשר שם האלהים ואמר כי לא יכול משה לבא אל אהל מועד (פסוק הבא) אפילו אל הפתח מפני שהיה הענן מכסה אותו ולא היה רשאי לבא בתוך הענן ועוד כי המשכן מלא כבוד ה' ואיך יכנס בו והטעם שלא יבא שם בלא רשות אבל יקרא אותו ויבא בתוך הענן כאשר עשה בהר סיני ויקרא אל משה ביום השביעי מתוך הענן (לעיל כד טז) ואמר ויבא משה בתוך הענן (שם יח) ועל דרך הפשט בעבור שנאמר וידבר ה' אליו מאהל מועד (ויקרא א א) לא נכנס משה למשכן אבל קרא אותו מאהל מועד ועמד פתח אהל מועד וידבר אליו ורבותינו אמרו (ת"כ פתיחתא ח) כתוב אחד אומר ולא יכול משה לבא אל אהל מועד וכתוב אחר אומר ובבוא משה אל אהל מועד (במדבר ז פט) הכריע כי שכן עליו הענן כי לדעתם ובבא משה אל אהל מועד שיבא שם בלא קריאה מדעתו או מפני שאמר שם וישמע את הקול מדבר אליו מעל הכפורת נראה להם שהיה משה עומד בתוך האהל לפני הכפרת וכל עת היות כבוד השם מלא את המשכן לא נכנס משה בתוכו ולכך יאמרו שהיה זה לאחר שנסתלק הענן כלומר שנסתלק מלכסות כל האהל ואין הכבוד מלא את המשכן כי לא היה זה רק ביום השמיני ברדת שם הכבוד והקריאה שאמר ויקרא אל משה וידבר ה' אליו מאהל מועד (ויקרא א א) על דעתם קודם לכן היתה כאשר פירשתי למעלה (בפסוק ב) ויתכן שהכתוב שיאמר פעם אחרת וכבוד ה' מלא את המשכן ירמוז אל הכבוד השוכן בקרבו.
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La Torah suit l'ordre chronologique
- Le 26/02/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
La Torah suit -presque toujours- l’ordre chronologique
Dans la paracha ‘Terouma’, la Torah commence à décrire -avec moult détails- l’édification du michkan (tabernacle). La paracha ‘Tetsavé’ continue dans cette lancée en se focalisant sur la conception des vêtements portés par les Cohanim. Les deux premiers chapitres de la paracha ‘Ki-Tissa’ (30 et 31) traitent encore de ce sujet.
Toutefois, les chapitres 32 et 33 de cette même section passent à une thématique autre : la faute du veau d’or. Le dernier chapitre de ‘Ki-Tissa’ (34) se conclut avec l’alliance et l’énoncé de lois suivant le pardon accordé par HaChem, sur l’insistance de Moshé Rabbénou.
Une fois la ‘parenthèse’ du veau d’or énoncée, nous arrivons à la paracha ‘Vayakhel’, qui revient complètement sur la construction du michkan,..
Cette interruption dans le récit de la construction du saint édifice interpelle les commentateurs de la Torah, notamment quant au déroulement exact des évènements. Avant de nous pencher sur l’explication du Ramban, attardons-nous brièvement sur l’interprétation classique de Rachi :
Selon lui, la faute du veau d’or a précédé totalement l’édification du michkan. Les deux sont d’ailleurs intrinsèquement liés : le michkan, façonné d’or et autres matériaux précieux, constitue une expiation rendue nécessaire après la transgression des bné-Israël[1]…
…Dans ce cas, pourquoi la Torah ne raconte-t-elle pas les évènements dans l’ordre ? Pour Rachi, une telle question n’a pas lieu d’être, car telle est la règle concernant la chronologie des faits dans la Torah : « La Torah ne suit pas l’ordre chronologique »[2].
La lecture du Ramban est fondamentalement différente. Selon sa vision, il y a eu tout d’abord les premières instructions quant à la construction du michkan, telles qu’énoncées dans les sections ‘Terouma’ et ‘Tetsavé’, ainsi qu’au début de ‘Ki-Tissa’. La faute du veau d’or a provoqué l’interruption de ce projet magnifique consistant à faire résider la présence divine au sein des bné-Israël. Ce n’est qu’avec le pardon finalement accordé (fin de ‘Ki-Tissa’), qu’Hachem a finalement décidé de revenir au plan originel et terminer l’édification du michkan[3].
Ce débat entre les deux maîtres a deux incidences majeures :
1/ Sur la conception de l’essence du michkan.
Rachi a une conception utilitaire de l’édifice : expier la faute du veau d’or. La création du michkan est selon lui une décision à posteriori. Au contraire, le Ramban y voit un absolu faisant partie intégrante du plan divin depuis la Création, au même titre que le don de la Torah ou l’entrée en terre d’Israël[4] : sa création obéit à priori à la volonté d’Hachem[5].
2/ Sur la portée du principe «la Torah ne suit pas l’ordre chronologique »
Le Ramban ne s’oppose pas à Rachi quant au principe lui-même, mais uniquement quant à sa portée. Il explique par ailleurs[6] que la Torah suit généralement l’ordre des évènements. Ce n’est qu’en cas de besoin spécifique, et exceptionnellement, que le récit peut s’en éloigner, afin de mettre en avant un rapprochement d’idées ou de concepts. Or tel n’est pas le cas en l’espèce, la Torah n’a aucune raison de modifier l’agencement des évènements.
Certes, la piste suivie par le Ramban est claire, avec l’avantage de présenter une lecture fluide et linéaire des sections de la Torah entre ‘Terouma’ et ‘Vayakhel’. Une question sur sa démarche subsiste néanmoins :
Alors qu’il annonce explicitement dans son introduction à la Torah qu’il s’opposera aux commentaires de ses prédécesseurs, dont Rachi en premier lieu, il ne fait ici aucunement mention de leur divergence de point de vue dans ces deux concepts : la perception de l’essence du michkan et la portée du principe «la Torah ne suit pas l’ordre chronologique »[7].
Pourquoi ne s’oppose-t-il pas ici explicitement au maître champenois ? La question reste ouverte.
Yona GHERTMAN
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : cf. notes
[1] Commentaires sur Shemote 29, 1 et 31, 18 :
פר אחד - לכפר על מעשה העגלמ שהוא פר:
ויתן אל משה וגו' - אין מוקדם ומאוחר בתורה. מעשה העגל קודם לצווי מלאכת המשכןל ימים רבים היה, שהרי בשבעה עשר בתמוז נשתברו הלוחות, וביום הכפורים נתרצה הקדוש ברוך הוא לישראל, ולמחרת התחילו בנדבת המשכן והוקם באחד בניסן:
[2] Rachi, Ibid. ; cf ; TB Pessa’him 6b.
[3] רמב"ן שמות פרק לה פסוק א
(א) ויקהל משה את כל עדת בני ישראל - יכלול "כל עדת בני ישראל" האנשים והנשים, כי כלם התנדבו במלאכת המשכן. והנה משה אחר שצוה לאהרן והנשיאים וכל בני ישראל האנשים כל אשר דבר ה' אתו בהר סיני אחרי שבור הלוחות, ונתן על פניו המסוה, חזר וצוה והקהילו אליו כל העדה אנשים ונשים. ויתכן שהיה זה ביום מחרת רדתו. ואמר לכולם ענין המשכן אשר נצטוה בו מתחלה קודם שבור הלוחות, כי כיון שנתרצה להם הקדוש ברוך הוא ונתן לו הלוחות שניות וכרת עמו ברית חדשה שילך השם בקרבם, הנה חזרו לקדמותם ולאהבת כלולותם, ובידוע שתהיה שכינתו בתוכם כענין שצוהו תחלה, כמו שאמר (לעיל כה ח) ועשו לי מקדש ושכנתי בתוכם, ולכן צוה אותם משה עתה בכל מה שנצטוה מתחלה:
[4] Ce qui ressort également de son introduction au livre de Shemote :
רמב"ן שמות הקדמה
והנה הגלות איננו נשלם עד יום שובם אל מקומם ואל מעלת אבותם ישובו. וכשיצאו ממצרים אף על פי שיצאו מבית עבדים עדיין יחשבו גולים כי היו בארץ לא להם נבוכים במדבר וכשבאו אל הר סיני ועשו המשכן ושב הקדוש ברוך הוא והשרה שכינתו ביניהם אז שבו אל מעלות אבותם שהיה סוד אלוה עלי אהליהם והם הם המרכבה ואז נחשבו גאולים ולכן נשלם הספר הזה בהשלימו ענין המשכן ובהיות כבוד ה' מלא אותו תמיד:
[5] Le Rav Elie Munk z’l suppose que le point de vue de Rachi se rattache au midrash, alors que celui du Ramban -reconnu pour son mysticisme- se rapproche davantage des vues du Zohar (cf. La Voix de la Torah, l’Exode, pp.305-306).
[6] Commentaire sur Bamidbar 16, 1. Il s’oppose en l’espèce à Ibn ‘Ezra qui prête une portée beaucoup plus générale au principe :
רמב"ן במדבר פרק טז פסוק א
ואמר רבי אברהם כי זה הדבר היה במדבר סיני כאשר נחלפו הבכורים ונבדלו הלוים, כי חשבו ישראל שאדונינו משה עשה זה מדעתו לתת גדולה לאחיו, גם לבני קהת שהם קרובים אליו ולכל בני לוי שהם ממשפחתו, והלוים קשרו עליו בעבור היותם נתונים לאהרן ולבניו, וקשר דתן ואבירם בעבור שהסיר הבכורה מראובן אביהם, גם קרח בכור היה. וזה מדעתו של רבי אברהם שהוא אומר במקומות רבים אין מוקדם ומאוחר בתורה לרצונו. וכבר כתבתי (לעיל ט א) כי על דעתי כל התורה כסדר זולתי במקום אשר יפרש הכתוב ההקדמה והאחור, וגם שם לצורך ענין ולטעם נכון, אבל היה הדבר הזה במדבר פארן בקדש ברנע אחר מעשה המרגלים:
[7] Alors que sur ce dernier point, il marque ouvertement sa divergence avec le Ibn ‘Ezra (cf. supra).
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Projet Ramban : Ki-Tissa
- Le 19/02/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Paracha Ki-Tissa : la langue 'sainte'
Le comptage des bné Israël se fait par l'énumération de demi mesures. Demi mesure de poids d'argent, d'une valeur étalon, nommée le "pesant saint".
En quoi ce shekel peut-il être Saint? Que signifie qu'un poids ou qu'une monnaie est sainte?
Traduisons mieux, d'emblée. Qu'est-ce donc que cette sainteté ? Plus précisément cette "distinction", cette "particularité"?
Le Ramban pose la question au passouk יג du perek ל.
Il répond que si ce shekel est kodesh, c'est qu'il a affaire avec le domaine "saint". De fait, chez les bné Israël, le domaine clérical brasse de l'argent et beaucoup de mitsvot génèrent un transfert de valeur du privé au clérical, qui servira à l'érection du mishkan, et aux korbanot. La monnaie étalon mesure la valeur de ces transferts, et mesure donc du sacré. Donc toute la monnaie devient liée au sacré. Son usage fait qu'une valeur peut devenir sacrée, et cela impacte la nution même de valeur monétaire, la monnaie courante elle-même.
Étonnant. Rien d'intrinsequement sacré dans la valeur de ce poids d'argent, qui d'ailleurs ne doit pas être utilisé directement mais uniquement par sa moitié, pour une raison qui ne nous intéressera pas ici. Rien d'intrinsequement sacré donc, sinon par l'usage qu'on peut en faire...
Et le ramban de surenchérir : il fait le parallèle avec la langue de la Torah, le lashon hakodesh. La langue "distincte". Mais attention, pas "distinguée". Distincte car c'est celle qui, par son histoire, est différente, elle a servie à dieu pour créer le monde, énoncer la Torah, échanger entre dieu ses prophètes, nommer dieu lui-même, nommer des choses distinctes, des mal'ah'im. Son histoire et ce qu'elle nomme fait de cette langue une langue "sacrée".
Rien d'ésotérique ne la distinguerait. Aucune valeur intrinsèque sinon comment, par qui et pour quoi elle a été utilisée.
Et le Ramban s'oppose ici au Rambam dans le Moré.
Pour celui-ci, la sainteté de cette langue est dûe à sa caractéristique intrinsèque : elle assume le trou. L'indicible. Ne pas chercher à nommer ce qui ne peut l'être, ou ne doit pas l'être, est ce qui rend une langue sainte. La langue des H'ah'amim est particulière car elle ne nomme ni le rapport sexuel, ni les sexes, ni les excréments. Seuls des allusions seront utilisées.
Pour le Ramban, ce qui est pointé ici ne caractérise pas une langue mais son usage. Un langage. Qui, du reste, est déjà caractérise ainsi de par ailleurs : on appelle ça un langage châtié, lashon nekia. C'est une façon de parler empreinte de retenue. Mais non une caractéristique de la langue elle-même.
Essayons de mieux comprendre la thèse du Rambam.
Ce n'est pas l'usage qu'on en fait, qui la rend particulière. Le langage châtié s'y astreint et tout langage puritain n'est pas kodesh. C'est bien le fait de cette langue de se refuser à avoir des mots pour nommer ce qui pourrait l'être. Accepter des trous du langage, c'est assumer justement de l'indicible, que la langue ne peut pas tout dire, justement comme on ne nomme pas dieu, qu'il y a des choses sans mots, que l'on ne peut "objectivement" pas dire, pas nommer sans les falsifier, les fausser, là se joue la caractéristique de la langue kdosha.
Le nom de Dieu est un immense sujet pour le Reste et là n'est pas le lieu pour s'y étendre. Car il a malgré tout un nom dans les Textes, même s'il ne se dit pas. Par contre le rapport sexuel n'est pas. Ou ne peut avoir de nom, pas seulement qui ne puisse être exprimé. Il ne peut y avoir de mot qui ne soit autre chose qu'allusion, signe qui pointe, ou plutôt non, il n'y a pas de tel signifiant, rien à pointer vers un trou, vers un non-être. Car c'est bien de cela qu'on s'approche. Non pas qu'il n'y ait pas de rapport sexuel, mais que ce n'est pas quelque chose qui peut être signifié.
Oui, les mots me manquent. Il faudrait aller beaucoup plus loin pour rendre compte de la kdousha d'une langue.
Mais le Ramban n'accepte pas cela.
Pas parce qu'il soutiendrait que cette langue serait magique, plus juste, mieux ou que sais-je encore. Non.
C'est la langue utilisée par la Torah pour parler de kdousha. Qui nous emmène donc de fait vers la kdousha par son usage et ses usages passés.
Tout comme la monnaie qui mesure ce qui peut devenir kadosh par une parole ou un acte.
Nathan Grandjean
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
Commentaire du Ramban sur Exode 30, 13
וכן הטעם אצלי במה שרבותינו קוראין לשון התורה "לשון הקודש", שהוא מפני שדברי התורה והנבואות וכל דברי קדושה כולם בלשון ההוא נאמרו. והנה הוא הלשון שהקב"ה יתעלה שמו מדבר בו עם נביאיו ועם עדתו, אנכי ולא יהיה לך ושאר דברות התורה והנבואה, ובו נקרא בשמותיו הקדושים אל, אלוהים, צבאות, ושדי, ויו"ד ה"א, והשם הגדול המיוחד, ובו ברא עולמו, וקרא שמות שמים וארץ וכל אשר בם, ומלאכיו וכל צבאיו לכולם בשם יקרא מיכאל וגבריאל בלשון ההוא, ובו קרא שמות לקדושים אשר בארץ אברהם יצחק ויעקב ושלמה וזולתם:
והרב אמר במורה הנבוכים ג ח
אל תחשוב שנקרא לשוננו לשון הקדש לגאוותינו או לטעותינו, אבל הוא בדין, כי זה הלשון קדוש לא ימצאו בו שמות לאבר הבעילה בזכר או בנקבה, ולא לטפה ולשתן ולצואה רק בכינוי. ואל יטעה אותך "שגל" (תהלים מה י), כי הוא שם אשה המזומנת למשכב, ואמר ישגלה (דברים כח ל): על פי מה שנכתב עליו, ופירושו יקח אשה לפילגש:
והנה אין צורך לטעם הזה, כי הדבר ברור שהלשון קדש קדשים הוא כמו שפירשתי.
והטעם שהזכיר על דעתי איננו אמת, כי מה שיכנו ישגלנה, ישכבנה, יורה כי משגל שם עצם לבעילה, וכן יכנו לאכול את חוריהם (מ"ב יח כז), כי הוא שם מגונה. ואם מפני טעמו של הרב, היו קורים לו "לשון נקיה", כעניין ששנינו (סנהדרין סח ב): עד שיקיף זקן התחתון ולא העליון אלא שדברו חכמים בלשון נקיה, ואמרו כי אם הלחם אשר הוא אוכל לשון נקי (ב"ר פו ז), וכן במקומות רבים: -
Réflexion sur l'antisémitisme aujourd'hui en France
- Le 15/02/2019
בס״ד
Dans quelle mesure doit-on s’indigner de Dieudonné et de Soral ?
Ou comment la Torah peut aussi nous éclairer dans des débats très contemporains
par Shmouel Philippe Choucroun
Voilà déjà plus de deux décennies que la communauté juive de France s’inquiète ouvertement de la montée de l’antisémitisme. Différentes attaques meurtrières ont été perpétrées ces dernières années à l’encontre de personnes identifiées comme juives, et ce dans un climat national assez tendu.
Beaucoup d’intellectuels ou d’observateurs de notre société attribuent cette recrudescence de l’antisémitisme à la prolifération sur le net d’une nouvelle propagande mélangeant antisionisme et vieil antisémitisme, les nouvelles technologies ayant donc permis de contourner les médias traditionnels.
Et dans cette nouvelle vague « brune, rouge, verte » comme l’ont nommé certains de nos représentants communautaires, l’ex-humoriste Dieudonné et l’essayiste au crâne rasé Alain Soral tiennent une place particulière.
En effet Dieudonné a été le premier dans une émission télévisée diffusée à une heure de grande audience, à avoir osé comparer israéliens et nazis dans un sketch ; il a continué tout au long de sa carrière à dénoncer ce qui était selon lui « la manipulation mémorielle de la Shoah » ou encore, à s’indigner contre « la toute puissance des juifs dans la nation ».
Fait inquiétant, le personnage est devenu au fil des années une sorte d’icône d’une France qui défie l’autorité et la morale de notre société, et qui s’esclaffe à chaque pic de l’humoriste contre BHL, le CRIF ou Bruel, ses cibles préférées..
Face à ce phénomène, nombre de procédures judiciaires ont vu le jour – à chaque annonce de spectacle de l’ex- partenaire d’Elie Semoun, des forces se mobilisent pour interdire la venue de cet agitateur ; cependant le constat demeure le même. Ses salles de spectacle ne désemplissent pas et sur la toile, des centaines de milliers de personnes regardent régulièrement ce nouveau gourou des égarés de la société.
Nous ne traiterons pas dans les lignes qui suivent des différentes analyses politiques, sociologiques ou autres qui ont été faites sur ce phénomène tels que : qui sont les fans de Dieudonné ? Pourquoi son message politique arrive à passer dans une certaine mesure dans la société et ce, malgré les multiples condamnations de la justice française à son égard ? etc..
Dans l’étude que nous développerons, nous essaierons avant tout de porter un regard juif sur ce personnage et sa popularité, démarche peu courante malgré les années écoulées et le vacarme médiatique qui entourent cette vieille affaire.
Finalement, Dieudonné doit-il autant nous indigner et nous mobiliser? Doit-on voir dans l’émergence de ce phénomène un cataclysme pour une France post-shoah qui pensait avoir tourné une page de son histoire ? Ou bien doit-on finalement constater une impossible réparation de notre société ?
L’antisémitisme, une si vieille histoire et si nouvelle histoire
Commençons notre étude par un peu d’étymologie et d’histoire. Le terme antisémitisme est attribué pour la première fois à un intellectuel juif autrichien Moritz Steinshneider en 1860 et ce afin de désigner la haine ou les préjugés portés aux peuples d’origine sémite et de leurs tares culturelles, spirituelles ou intellectuelles.
Evidemment le concept de l’antisémitisme n’a fait qu’évoluer et se muter au fil du temps et des sociétés dans lesquelles il évoluait : une fois on reprochait aux juifs l’amour de l’argent et l’exploitation des pauvres, et au même moment on s’insurgeait dans d’autres lieux que ces derniers véhiculaient et propageaient le poison de la révolution rouge.. (voir l’ouvrage référence - L’histoire de l’antisémitisme - de Léon Poliakov.)
Ceci étant, si nous nous référons au plus vieil ouvrage traitant de l’histoire du peuple juif, à savoir la Torah elle-même, nous ne constatons pas ni dans les textes ni dans les commentateurs de ces derniers une véritable théologie ou doctrine autour de ce sujet.
La haine du juif ou d’Israël semble presque « naturelle » ou « inévitable », le peuple élu porterait en lui certains stigmates qui le rendent « détestable » par les autres nations.
Développons notre analyse autour de deux ennemis légendaires du peuple hébreu, Parô et Aman.
La haine de Parô et celle d’Aman, deux facettes différentes d’un même mal..
Parmi les innombrables ennemis du peuple hébreu, deux personnages incarnent cette haine destructrice qui nous a toujours menacé : Pharaon (Parô) et Aman au temps de Mordechaï et Esther. Comparons leur démarche et manigance:
Dans la parachat Chemot, Parô constate l’accroissement exponentiel du peuple juif dans son pays :
וַיֹּאמֶר אֶל-עַמּוֹ: הִנֵּה עַם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל--רַב וְעָצוּםמִמֶּנּוּ.
Il dit à son peuple: "Voyez, la population des enfants d'Israël surpasse et domine la nôtre. (chemot 1,9)
Puis Parô enchérit :
הָבָה נִתְחַכְּמָה, לוֹ: פֶּן-יִרְבֶּה, וְהָיָה כִּי-תִקְרֶאנָה מִלְחָמָה וְנוֹסַף גַּם-הוּא עַל-שֹׂנְאֵינוּ, וְנִלְחַם-בָּנוּ, וְעָלָה מִן-הָאָרֶץ
Eh bien! usons d'expédients contre elle; autrement, elle s'accroîtra encore et alors, survienne une guerre, ils pourraient se joindre à nos ennemis, nous combattre et sortir de la province." 1
La sentence tombe :
וַיָּשִׂימוּ עָלָיו שָׂרֵי מִסִּים, לְמַעַן עַנֹּתוֹ בְּסִבְלֹתָם; וַיִּבֶן עָרֵי מִסְכְּנוֹת, לְפַרְעֹה--אֶת-פִּתֹם וְאֶת-רַעַמְסֵס
Et l'on imposa à ce peuple des officiers de corvée pour l'accabler de labeurs et il bâtit pour Pharaon des villes d'approvisionnement, Pithom et Ramessès.
Nous remarquons en se penchant sur ces psoukim, que Parô est tout d’abord « inquiet » de l’ascendant démographique que prennent les hébreux sur son peuple. Nous pouvons objectivement s’accorder sur le fait que la Torah elle-même témoigne de l’accroissement miraculeux de la population juive en Egypte. Toutefois, les hébreux n’expriment aucune hostilité ou attitude irrespectueuse envers le souverain. Bien au contraire, selon les sources midrashiques, ceux sont les hébreux eux-mêmes qui offriront leur force de travail à Parô et ce afin de le soulager de sa charge de travail. Les décrets de Parô semblent donc être décalés, nous constatons une inadéquation entre son discours et ses actes :
- il asservit les hébreux et les écrase sous le poids de travaux forcés titanesques.
- Il va par la suite s’opposer farouchement à la sortie des hébreux d’Egypte lorsque Moïse l’en implorera.
Or, ces réactions contredisent les propos de Parô à son peuple ! Pourquoi ne pas laisser au contraire fuir les hébreux, voir même les chasser du pays s’ils sont une si grande menace pour l’Egypte ?
Analysons maintenant la posture et le discours d’Aman dans le livre d’Esther lorsque ce dernier vint demander à l’empereur Assuérus le droit de s’en prendre aux juifs* :
ַיֹּאמֶר הָמָן, לַמֶּלֶךְ אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ--יֶשְׁנוֹ עַם-אֶחָד מְפֻזָּר וּמְפֹרָד בֵּין הָעַומִּים, בְּכֹל מְדִינוֹת מַלְכוּתֶךָ; וְדָתֵיהֶם שֹׁנוֹת מִכָּל-עָם, וְאֶת-דָּתֵי הַמֶּלֶךְ אֵינָם עֹשִׂים, וְלַמֶּלֶךְ אֵין-שֹׁוֶה, לְהַנִּיחָם
Puis Aman dit au roi Assuérus: "Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation; quant aux lois du roi, ils ne les observent point: il n'est donc pas de l'intérêt du roi de les conserver.(Esther 3,8)
Il est intéressant de noter deux points dans le discours d’Aman :
- Il ne cite pas explicitement le nom de cette fameuse nation disséminée et à la religion si différente.
- II ne se plaint pas de la puissance éventuelle de ce peuple contrairement à Parô, mais uniquement de sa différence, de ses croyances et pratiques incompatibles avec la société.
Parô et Aman font finalement deux analyses différentes du peuple juif, et de là découle une hostilité conjoncturelle pour l’un, structurelle pour l’autre :
Parô analyse le peuple juif comme un peuple puissant, dominant, envahissant.. Il faut s’en préserver, mais… en l’exploitant, en le spoliant ou de toute autre manière qui servirait le tyran. C’est donc cet antisémitisme bourgeois, ou mondain, qui se plaint de voir des juifs « partout » dans les médias, la finance ou la politique mais qui prend soin de les laisser prospérer avant de mieux les spolier.
(Dans les correspondances d’Israël Ben Menassé avec Cromwell au XVIIe siècle, le souverain britannique s’inquiète d’une éventuelle installation des juifs dans son pays et de leur « accaparation des richesses ». (il n’y avait plus de communauté juive dans ce pays depuis les croisades) Le rabbin d’origine portugaise expliquera alors à son interlocuteur du grand intérêt des anglais à accepter des juifs sur leur sol pour qu’ils puissent y faire prospérer l’économie. En d’autres termes on parle avec Parô dans la langue de Parô..)
Il n’est pas étonnant d’apprendre que selon nos maîtres les Egyptiens avaient atteint le 49e degré d’impureté ; Il n’y avait plus de limite morale face aux désirs et intérêts personnels.
Parô veut, l’Egypte exécute.
Lorsque notre patriarche Abraham descend en Egypte des années plus tôt à cause de la famine, il refuse de déclarer que Sarah est son épouse :
אִמְרִי-נָא, אֲחֹתִי אָתְּ--לְמַעַן יִיטַב-לִי בַעֲבוּרֵךְ, וְחָיְתָה נַפְשִׁי בִּגְלָלֵךְ
Dis, je te prie, que tu es ma soeur; et je serai heureux par toi, car j'aurai, grâce à toi, la vie sauve.(Béréchit 12,13)
Abraham comprend que le pharaon (de son époque déjà) et les Egyptiens ne pourront devant la tentation se retenir ; à ce titre, il préfère encore cacher l’identité de Sarah et ce, pour que la situation ne dégénère pas.
Nous reprochons donc à Parô cette attitude mesquine et lâche, usant de la faiblesse présumée des hébreux pour assouvir ses besoins, ses rêves. Afin d’atteindre ses objectifs, il construit tout un discours hostile aux hébreux afin de persuader son peuple de la morale de sa politique ! Parô se rendra même coupable d’atrocités (génocide des nouveaux nés mâles) une fois qu’il enclenchera ce processus de brimade envers les hébreux.
Aman quant à lui, se situe dans une tout autre démarche ; Nous avons souligné plus haut qu’il ne citait pas dans son discours le mot « juif » ou « hébreu ». Il exprime à ce titre la négation de l’essence même d’Israël. Descendant d’Amaleck, ennemi héréditaire et viscéral des hébreux, Aman se refuse à reconnaître toute spiritualité, transcendance, message divin à travers Israël.
Des siècles plus tôt, alors même que les hébreux sortaient d’Egypte suite à des miracles prodigieux, le peuple d’Amaleck, aïeul d’Aman n’hésita pas à attaquer ces esclaves fraîchement libérés au risque de subir le même sort que les Egyptiens. Il refusait l’idée même d’un peuple élu pour porter le message de D.ieu sur terre, d’une alliance entre l’homme et l’Eternel. Amaleck ne veut vivre que dans un matérialisme opaque, géré par le « hasard de l’univers ».
(Fait intéressant Hitler que son nom soit effacé, faisait lui aussi la distinction entre deux antisémitismes :
L’antisémitisme fondé sur des motifs purement sentimentaux, trouvera son expression ultime sous forme de pogroms. L’antisémitisme selon la raison doit, lui, conduire au combat législatif contre les privilèges des Juifs et à l’élimination de ces privilèges... Son but ultime [celui de l’antisémitisme] doit, immuablement, être l’élimination des Juifs en général –lettre d’Adolph Hitler à Adolph Gemlich – A. H. reproche ici finalement à l’antisémite « sentimental », sic, que ce dernier achevait ses brimades après un pogrom, une fois ses pulsions assouvies, alors que lui prônait une extermination idéologique jusqu’au-boutiste).
Nous pouvons donc distinguer deux sortes d’antisémitisme, l’un opportuniste et conjoncturel, et l’autre idéologique et structurel.
Face à ces deux fléaux, la Torah ne dévoile pas de remède magique. Pourquoi ?
Parce que l’un sera toujours prisonnier de sa cupidité, jalousie, lacheté ! ses discours ne viennent que masquer, habiller sa malfaisance.
Quant à l’autre, il porte une haine viscérale, maladive de ce que peut représenter le juif dans ce monde. Pour le soulager, il faudrait que les juifs disparaissent et ce ne serait peut-être encore pas suffisant.
Nous avons peut-être dans notre génération aujourd’hui en France, l’alliance dévoilée de ces deux visages hideux de l’antisémitisme incarnés par Dieudonné et Soral.
L’un ne supporte pas la réussite des juifs, il a l’impression que ces derniers envahissent son quotidien. Ayant fait de la haine de ces derniers un commerce fleurissant, il ne cesse de s’enfoncer dans cette voie, toujours plus loin dans la provocation car l’argent l’emporte sur la morale et la décence. Rire de six millions de victimes ne l’offusquera donc jamais.
L’autre a de nouveau déterré les vieux classiques de l’antisémitisme pour les mettre au goût du jour, sa haine est idéologique, profondément ancrée dans son être. Il en a fait le combat de sa vie à l’instar du IIIe Reich.
Il va de soit que la Torah ne prône jamais la tolérance et l’indifférence devant la haine de ses ennemis.
Hillel enseignait :
« Si je ne suis pour moi, qui le sera ? » ( Michna Perkei Avot, 1-14)
Effectivement si la communauté juive n’est pas en première ligne dans ce combat, qui le sera ? Les initiatives légales pour contrecarrer la diffusion de leurs idées malfaisantes sont nécessaires et louables.
Cependant, nous ne devons pas perdre de vue que derrière le combat contre ce fléau, l’essence même de ce mal provient soit de deux points ;
- Le refus de dominer ses instincts, ses pulsions quitte à franchir toutes les lignes morales.
- La négation même de toute spiritualité, éthique divine.
En cela, l’antisémite doit finalement plus nous renforcer dans nos convictions que nous indigner. Soral et Dieudonné ne sont ni plus ni moins que l’expression profonde des vices moraux rejetés par l’éthique juive. Cette lutte éternelle contre le mal est en soi la mission d’Israël !