Une flamme d’actualité brûlante
- Par yona-ghertman
- Le 30/11/2015
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Une flamme d’actualité brûlante
La période de ‘Hanoukah coïncide chaque année avec la lecture de la Parasha « Mikets ». On y retrouve le récit des tribulations de Yossef. Après avoir été maltraité et vendu par ses frères, diffamé par la femme de Poutiphar et emprisonné, sa vie prend une nouvelle tournure lorsqu’il devient soudainement l’homme providentiel de l’Egypte. Selon le Rav Elie Munk, cette correspondance n’est pas fortuite : « Le calendrier juif veut que la section Mikets soit toujours lue au moment de la fête de ‘Hanoukah qui correspond à l’époque de l’année où les journées recommencent à s’allonger tandis que les nuits deviennent plus courtes » (La Voix de la Torah, La Genèse, p.418). En effet, le terme « Mikets » signifie « à la fin », comme une allusion à la fin de l’obscurité pour Yossef et pour la génération victime des persécutions grecques ; mais aussi dans l’absolu, comme « une limite aux ténèbres » (Ibid).
Ce symbole d’espoir nous parle tout particulièrement ces jours-ci, alors que des évènements douloureux frappent la France, et que la communauté juive se sent vulnérable. Les attentats, mais surtout la menace d’autres manifestations de terreur sont perçus comme une plongée dans l’obscurité, dans le flou provoqué par l’absence de lumière éclairant l’avenir. L’incertitude est palpable, créatrice de phobies et de discours extrémistes, facilitant la démarche démagogique des populistes qui voudraient réduire « l’autre » à un être déshumanisé.
Alors l’approche de cette célébration lumineuse nous pousse à espérer : De la même manière que les décrets contre la pratique de la Torah disparurent grâce à une fiole d’huile miraculeuse, ne pouvons-nous pas souhaiter que cet éclairage de mitsva mette un terme à l’escalade de violences et de mesures exceptionnelles que nous vivons ?
Dans son commentaire sur la première michna du traité Péa, Maïmonide enseigne que seules les mitsvote bein adam la’havero (commandements vis-à-vis de son prochain) sont susceptibles d’entraîner un bienfait dans ce monde, car l’implication pour les autres entraîne une implication des autres pour soi-même. En revanche l’accomplissement des commandements concernant exclusivement le rapport à Dieu n’a de conséquences que dans le monde à venir (‘olam haba). Aussi convient-il d’expliquer que le concept d’ « espoir » associé à ‘Hanoukah n’est pas relatif à l’attente de résultats concrets dans notre société, mais à une perception positive des évènements même lorsque ceux-ci semblent annonciateurs du pire.
En y regardant de plus près, on constate donc que l’attente d’un jour meilleur n’est pas une préoccupation primordiale en ce qui nous concerne. La fin des tribulations de Yossef n’est pas rattachée à son soudain bonheur, mais à l’accomplissement du plan divin. De même les Sages du Talmud ne lient pas la fin des persécutions grecques à la pacification de la Judée, mais au rétablissement du service divin dans le Temple de Jérusalem. Certes la détresse plonge ceux qui y sont dans des contingences matérielles, mais c’est là le véritable sens de « l’obscurité » combattue : un voile cachant les véritables enjeux de notre vie juive. Ne nous y trompons-pas : l’allumage des bougies de ‘Hanoukah n’a aucun pouvoir magique. La lumière prenant l’ascendance sur les ténèbres ne symbolise pas l’arrivée d’un meilleur lendemain. Elle porte néanmoins un message fort, celui d’un sens retrouvé.
La meilleure illustration de ce message, dépassant la simple préoccupation d’un quotidien serein, se trouve dans le livre apocryphe des Maccabées. Il y est question du martyr d’une mère juive avec ses sept enfants, car ces derniers refusent de manger du porc. Lorsque le second fils se retrouve devant le roi, sur le point de rendre son dernier soupir il déclare : « Toi mécréant, tu nous enlèves la vie présente, mais le Roi de l’univers, si nous mourrons par fidélité à ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle » (II Macc. 7, 9). La folie meurtrière, les tentatives d’extermination, ainsi que toutes les atteintes contre notre mode de vie présent, ne sauraient éteindre cette flamme ardente transmise par nos ancêtres… Une flamme qui nous rappelle la brûlante actualité de notre mission dans ce monde.
Yona GHERTMAN
*Adapté d'un billet de l'auteur publié dans l'hebdomadaire "Actualité Juive" du 03/12/2015
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