l'art de transgresser en toute impunité
- Par yona-ghertman
- Le 13/05/2019
- Dans Parasha
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Parashat Kedoshim – l’art de transgresser en toute impunité
L’injonction qui entame la parashat kedoshim a occupé tous les exégètes. « Soyez saints » nous ordonne le verset ; mais la question immédiate est « en quoi cela consiste-t-il ? »
La position de Nachmanide sur le sujet fait partie des morceaux d’anthologie de son commentaire sur la Torah.
Si les lois permettent un cadre, nous explique-t-il, elles ne peuvent sauver personne d’être perverti ou immoral dans le cadre même de la loi. Les exemples donnés pour étayer son propos sont nombreux : si la kashrout limite les écarts elle ne vaccine personne contre les excès… Si les lois maritales ou de pureté familiale limitent des débordements, rien n’empêche réellement un homme de vivre dans l’excès et la luxure tout en restant dans les cadres que la alah’a permet…
La Torah serait-elle impuissante face au problème évoqué ? Les perversions décrites par Nachmanide seraient elles donc autant de failles dans un système qui se veut garant de la moralité ? La Torah proposerait elle un code dans lequel il est facile d’être נבל ברשות התורה, « pervers dans cadre de la loi » ?
Là, nous dit Nachmanide, intervient l’injonction « soyez saints ». Effectivement, nous dit-il, 613 mitsvot ne peuvent garantir de manière absolue une vie saine (ou sainte ?). 613 mitsvot sont presque autant de lois qu’une personne le souhaitant, peut transgresser en toute impunité. Rien de plus simple que de garder la lettre et transgresser l’esprit ! Une mitsva par contre, nous dit Nachmanide, ne peut être transgressée de manière perverse. Celle d’être saint… Y trouver la faille serait de facto sa transgression – point de lettre sans esprit dans cette injonction…
Avant de continuer, nous devons quelque peu « cadrer » ce commentaire. Nachmanide ne parle aucunement ici de problème pénal. Que des gens malhonnêtes deviennent maitres dans l’art de voler ou truander sans risquer de punition est une faille de tous les systèmes. Le Ran dans une de ses celebres drashot a déjà évoqué ce problème en expliquant que le din-meleh’ – la loi du Roi – permettait au Roi ou à l’instance judiciaire de punir « au-delà » de la stricte loi Toranique pour combler ce manque.
Le sujet du commentaire de Nah’manide est autre – il se situe au niveau de la morale. La Torah définit un système qui semble, de prime abord, ne pas réussir à encadrer de manière parfaite la moralité des mœurs … Cette absence de cadre est en fait, selon Nahmanide, renvoyée à l’homme meme à travers l’injonction de kedoshim-tiyou - soyez saints-
Il est intéressant de citer à ce propos l’opinion de Maimonide. Dans le Sefer Hamitsvot[1], Maimonide commente le verset de notre parasha. Pour ce dernier, il n’existe aucun commandement spécifique d’être saint ! L’injonction « soyez saints » n’est autre qu’une invitation à … accomplir les 613 mitsvot ! En effet, selon Maimonide, les mitsvot sont en soi un système équilibrant de manière parfaite l’homme. Qu’en est-il des écarts craints par Nahmanide ? Selon le Rambam, ils n’existent pas – il ne peut y avoir d’excès lorsque l’on accomplit à la lettre les commandements ; et la juste mesure que recherche tant Nachmanide n’est autre que la mesure obtenue par l’accomplissement méticuleux des commandements… Cette opinion est largement développée dans le quatrième chapitre de son Shmona-prakim…
Le risque décrit par Nachmanide est patent. Le système tel que décrit par Maimonide est quant à lui, tentant! L’homme n’y risque des excès d’ascèse tant condamnés par Maimonide…
En tout état de cause, une telle mah’loket entre deux « grands parmi les grands » nous force à nous poser à nous même la question : la lettre des mitsvot suffit elle à définir de manière parfaite l’esprit de ces mitsvot, ou l’homme doit il inférer cet esprit et … en prendre acte…
Benjamin Sznajder
[1] Hashoresh Harevi’i
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