L'habit ne fait pas le Cohen
- Par yona-ghertman
- Le 18/05/2016
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Cycle : La parasha d’après le Netsiv*
L'habit ne fait pas le Cohen !
La Paracha de la semaine commence ainsi : ' D.ieu dit à Moïse : Dis (Emor) aux Cohanim…. '
Contrairement à la Paracha de la semaine dernière où Moïse s’adressait à l’ensemble du peuple sans exception (hommes, femmes, enfants, séfarades, ashkénazes,…), cette fois-ci il ne s’adresse qu’à une partie spécifique du peuple : les Cohanim, c’est-à-dire les descendants d’Aaron.
Et ceux-ci ont un rôle particulier : ce sont des 'véhicules' de sainteté. En étant de manière régulière dans l’enceinte du temple, et ressentant une proximité particulière avec la présence divine, les Cohen se doivent de respecter certains commandements qui leur sont propres.
Un certain nombre d’injonctions leur sont destinés, mais attachons-nous à ce verset spécifique de notre Paracha (21;6) : ' Ils seront saints pour leur D.ieu et ne devront pas profaner le nom de leur Dieu '.
Le Netziv de Volojhine, un des très grands penseurs du judaïsme contemporain et notamment maître du Rav Kook, a un commentaire très...polémique sur ce verset.
Il dit en effet dans son commentaire sur la Thora (Haemek Davar), que cette sainteté, qui s’apparente à une séparation du reste du peuple, doit se manifester par des qualités morales exceptionnelles dans le cadre du service de D.ieu.
OK, qu’y a-t-il de nouveau là-dedans ? Attendez la suite : …et si le Cohen se met à se prendre pour un saint homme dans sa vie de tous les jours alors qu’il n’est pas en situation de servir D.ieu, ce n’est rien d’autre que de l’arrogance et de la prétention (Gahava ve Hitrabarvout).
Le Cohen est effectivement familier du concept de sainteté. Il a une place à part au sein de peuple d’Israël. Mais attention ! Cette place n’existe que parce qu’il voue sa vie à servir dans le temple et à sanctifier D.ieu.
Le Cohen n’est pas saint en lui-même ! Qu’il n’en profite pas pour se faire mousser à l’extérieur et obtenir des places de ciné gratos !
Mais comment concrètement pourrait-il faire preuve d’arrogance et de prétention dans la vie de tous les jours ? Autant certains pensent pouvoir reconnaître un Juif dans la rue (Elie Kakou par exemple), autant reconnaître un Cohen n’est absolument pas simple et faire usage de ce statut n’a rien d’évident.
Et c’est là que le Netziv insiste sur un commandement particulier aux Cohanim, qu’on retrouve dans de nombreuses autres « professions » : l’uniforme. Comme les pompiers ou les militaires qui sont au service d’une cause, les Cohanim sont tenus de porter des vêtements spécifiques lorsqu’ils se trouvent en service dans l’enceinte du Temple.
Dans le commentaire cité ci-dessus, le Netziv nous renvoie à une autre de ses œuvres : le A'hrev Davar, qui appuie son premier commentaire sur des sources issues des livres des prophètes par exemple.
Et il vient apporter la preuve que l’uniforme peut être ce vecteur d’orgueil que le Cohen doit éviter. Il s’agit d’un passage du prophète Ezechiel. Le prophète Ezechiel prophétise les lois applicables aux vêtements sacerdotaux déjà définis dans la Parach'a Tétzavé.
Mais il rajoute quelque chose de nouveau, qui ne se trouve pas dans Tetzavé et dont on peut penser qu’il s’agit d’une injonction pour le futur : ' Et quand les prêtres ayant achevé leur service dans la cour intérieure du temple passeront dans le parvis extérieur où se tient le peuple, ils ôteront les vêtements dans lesquels ils ont officié, les déposeront dans les salles consacrées, et en mettront d’autres pour ne pas sanctifier le peuple par leurs vêtements '.
Commentaire du Netziv : les vêtements du Cohen ne doivent pas servir au Cohen de signe extérieur de grandeur ou de statut social. Le statut du Cohen ne doit pas être détaché de son service au temple. S’il profite de son ' outil de travail ' pour faire croire au peuple, qu’il dégage une sainteté intrinsèque, eh bien voilà où se niche ' l’arrogance et la prétention '.
Mine de rien, ce petit commentaire à propos du Cohen est en fait valable pour toutes les générations. Beaucoup (Yeshayahou Leibowitz, par exemple) ont d’ailleurs relevé que ce commentaire du Netziv (qui a vécu au 19ème siècle et qui était ce qu’on peut appeler un Lituanien pur sucre) s’adressait surtout aux Rabbis Hassidiques avec leurs habits, leurs rituels et leur cour de fidèles qui les prenaient pour des saints.
Attention prévient le Netziv ! Ces Rabbis ne sont dignes de respect que si leur enseignement et leur service de la Thora sont à la hauteur ! Une adoration aveugle pour une personne avec une longue barbe blanche, un chapeau, des pseudo-formules kabbalistiques ou des amulettes sacrées est condamnée par la Thora !
Le respect dû à un Rav est un respect dû à sa connaissance, à sa capacité d'enseignement et à sa maîtrise de la Thora, pas du tout à une sorte d’aura intrinsèque que lui confèrerait son lignage, sa position sociale au sein de la communauté ou même évidemment à des pouvoirs surnaturels présumés.
Ce qui est dit ici est formulé, comme à son habitude, de façon beaucoup plus tranchante par Yeshayahou Leibowitz, dont la profonde attention pour l’avenir du judaïsme dont il faisait preuve ne s’est jamais démentie :
« Il faut dire ces choses pour lutter contre cette plaie spirituelle, ce fléau de la loi religieuse et de la morale qui domine et continue de dominer certains cercles, dans cette partie du peuple juif décidée à respecter la Thora et ses commandements. Cette plaie consiste à considérer certaines personnes comme saintes par elles-mêmes et non en raison de ce qu’elles remplissent au service de la Thora. Disons-le sans ambiguïté : il ne s’agit là que d’une variante de l’idolâtrie ayant pénétré le judaïsme et elle est le signe d’une dégénérescence de la foi en Dieu.
La foi juive ne reconnaît le concept de sainteté qu’en rapport avec le service de Dieu. Elle ne saurait conférer de sainteté à quoique ce soit d’autre, qui se rattacherait aussi bien à l’homme, à la nature, à la réalité matérielle, à la terre ou à un édifice.»
Comment les disciples du Netziv, et notamment les élèves du Rav Kook, ont-ils fini par sanctifier le peuple juif et la terre d’Israël pour eux-même et non en rapport avec le service de Dieu, ce n’est pas le moindre des paradoxes, mais qui mériterait un autre développement.
FRISON
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