Les démons de minuit
- Par yona-ghertman
- Le 02/11/2017
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Qui sont les vrais ‘démons de minuit’ ?
Dans notre rituel de prières, le « Shéma-Israël » [écoute Israël] a une place fondamentale, notamment car il retranscrit plusieurs idées essentielles du judaïsme : la reconnaissance de l’unité divine et du joug divin (1er paragraphe) ; l’acceptation des commandements (2nd paragraphe) ; la mitsva des tsitsit et la mention de la sortie d’Egypte (3ème paragraphe). Nous lisons ce texte le matin et le soir afin de reproduire l’indication de la Torah : « Tu les enseigneras à tes enfants, et tu en parleras, lorsque tu seras assis dans ta maison, lorsque tu marcheras en chemin, à ton coucher et à ton lever » (Devarim 6, 7). De ce verset, nous apprenons qu’il convient de lire le « Shéma-Israël » à l’heure habituelle du coucher (soir) et à l’heure habituelle du lever (matin).
Il existe toutefois une autre lecture du « Shéma-Israël », instituée avant de s’endormir : « Celui qui entre dans son lit pour dormir prononce le ‘Shéma-Israël’ jusqu’à ‘véhaya im shamoou’ [le premier paragraphe], puis il prononce : ‘Béni soit Celui qui fait s’abattre les liens du sommeil sur mes yeux et la torpeur sur mes paupières [...] » (Berakhote 60b).
Il y a donc une obligation supplémentaire, en plus de la récitation du soir, de lire le premier paragraphe du ‘Shéma’ avant de dormir, et de le précéder d’une bénédiction spécifique. Cette dernière se trouve dans nos livres de prière. On peut y lire notamment : « Ne nous amène pas à la faute, ni à l’épreuve ou à la honte. Que le bon penchant règne sur nous, et que tu nous sauves du mauvais penchant et des mauvaises maladies ; et que nous ne soyons pas épouvantés par les mauvais rêves et les mauvaises pensées ».
L’obligation de lire le ‘Shéma’ avant de se coucher -ou du moins le premier paragraphe- est bien distincte de sa récitation en entier une fois la nuit tombée. Selon le Talmud, les Sages ont institué cette récitation supplémentaire avant de dormir afin de protéger des « êtres malfaisants / mazikine » (Berakhote 5a). De qui s’agit-il ? On pourrait choisir de s’orienter vers une explication mystique et y voir une protection contre les ‘mauvais esprits’ et autres ‘démons de minuit’. Toutefois une telle approche aurait le désavantage de déresponsabiliser l’homme face à lui-même. Aussi je me permettrais une autre explication plus rationnelle, et surtout… plus ‘parlante’ :
Un voisin gendarme m’expliquait récemment qu’il avait beaucoup de mal à s’endormir le soir en raison des horreurs qu’il voyait régulièrement dans son travail. Il me faisait notamment référence à la soirée du 14 Juillet 2016, durant laquelle il était en service à Nice… A niveaux variables, les tensions et les préoccupations de la journée s’accumulent et ressortent dès que le calme du coucher se fait sentir. Ce sont nos propres démons qui nous empêchent de dormir. Aussi les Sages ont-ils exigé que nous nous endormions en prononçant des paroles de Torah et de réconfort. L’objectif étant de s’endormir en gardant en tête que tous nos problèmes, aussi dérangeants soient-ils, peuvent être surmontés en prenant le recul nécessaire : la reconnaissance du joug divin.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que les Sages enseignent : « Le Satane, le Yetser hara et l’ange de la mort sont une seule entité » (Baba Bathra 16a)… La première source de conflit n’est pas l’autre mais soi-même. L’agent déviateur (satane), le penchant vers le mal (yetser hara) et les pulsions mortifères (ange de la mort) sont une même déclinaison de nos ‘démons’ intérieurs. En prendre conscience constitue le premier pas vers l’amélioration.
Yona GHERTMAN
* D'après un billet paru dans Actualité-Juive
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